« L’absence d’archives nécessite de réhabiliter en masse ». Cette assertion digne d’un jugement de valeur que l’on peut lire dans le compte rendu des débats du 2 février 2023 au Sénat relatif à la proposition de loi concernant la réhabilitation des militaires français fusillés en 14/18 est-elle pertinente ?
De grossières erreurs historiques apparaissant dans le rapport du Sénat, il est donc utile de s’interroger sur cette assertion.
Un lieu commun concernant les fusillés circule, à savoir qu’il manquerait de 20 à 25% des dossiers de militaires français fusillés, reflète-t-il la réalité ?
Pour bien appréhender cette question des archives manquantes concernant les militaires français fusillés, il est nécessaire de s’appuyer sur les différentes sources existantes.
Nous rappelons que Prisme appréhende l’ensemble de ces évènements à travers la notion, pratiquée en sociologie, de « cohorte » introduite par le général Bach. Une cohorte mensuelle est constituée de tous les condamnés à mort au cours du même mois. Le condamné peut être exécuté dans le mois. Mais il a le risque de l'être aussi dans les mois suivants si son pourvoi en révision a été rejeté ou si sa demande de grâce, après examen, a été rejetée. Les autres condamnés échappent à la mort puisque leur peine est commuée.
Nota : toutes les captures d'images non sourcées présentées dans cet article sont issues de MDH/SHD dossiers fusillés, les autres documents sont sourcés.
Les phrases en italique sont la copie exacte des documents originaux, quelle que soit leur apparence.
1-Rappel des principes directeurs :
Comme le général André BACH, grand spécialiste de la question, l’avait rappelé lors du colloque de Vic-sur-Aisne en 2012, il faut bien distinguer parmi les catégories de militaires français tués par des balles françaises (homicide involontaire exclu) :
A- Les individus qui ont été condamnés à mort par un conseil de guerre puis sont passés devant un peloton d’exécution qu’on nomme des fusillés conformément au décret du 25/10/1874 et à l’article 187 du code de justice militaire.
B-ceux tués en application plus ou moins « correcte » de l’article 121 du règlement sur le service en campagne qu’on nomme des exécutés sommaires.
C-ceux tués, par exemple, par des sentinelles ou par les forces de l’ordre qu’on nomme des abattus.
Trop souvent, les militaires français fusillés de la zone des Armées, dans la zone de l’intérieur, les exécutés sommaires, les abattus, les fusillés en Afrique sub-saharienne sont amalgamés alors que les conditions des jugements, quand elles existent, sont très différentes.
Cette distinction est éminemment préférable. Par exemple, elle évite :
- de chercher des dossiers de procédure qui n’ont jamais existé pour les exécutés sommaires ou les abattus.
- « d’accroître » abusivement la liste des militaires français fusillés d’au moins une centaine de militaires sommairement exécutés ou abattus.
Cette distinction permet de connaître immédiatement les conditions de fin de vie des militaires français tués par des balles françaises hors homicide involontaire.
Cette distinction est importante car une partie des militaires français qui apparaissent sur les fiches de Non Mort pour la France avec la mention « fusillé » ou « passé par les armées » ou sur les journaux de marche et opérations sont des exécutés sommaires ou des abattus. A la lecture de ces fiches ou de ces journaux, la 1ère question qu’un chercheur doit se poser : est-on en présence d’un militaire fusillé, d’un militaire sommairement exécuté ou d’un militaire abattu ?
Ainsi, à titre d’exemple, le cas du soldat Herda du 74e régiment d’infanterie est symbolique. La fiche de Non-Mort pour la France de ce soldat porte la mention « fusillé pour trahison » le 28 septembre 1914. Qu’en est-il ? Le courrier référencé n° 5753 du 14 mai 1915 du Grand Quartier Général précise : « le tableau statistique de chaque conseil de guerre aux armées comprendra tant ses propres jugements que ceux rendus par les conseils de guerre spéciaux des corps ou services sur lesquels il a actuellement juridiction".
Les militaires fusillés par les conseils de guerre spéciaux doivent donc apparaître nominativement sur les tableaux statistiques de l’administration de la justice militaire ce qui est le cas pour les fusillés Garcault et Chochoi condamnés à mort par le conseil de guerre spécial du 1er régiment de marche Zouave/tirailleur unité dépendant de la 38e division d’infanterie.
Le soldat Herda, lui, n’apparaît pas sur le tableau statistique de l’administration de la justice militaire de l’année 1914 de la 5e division d’infanterie. Ce militaire a été donc sommairement exécuté sur ordre de la hiérarchie fortement inspiré par le courrier de Joffre du 9 septembre 1914, période où la situation militaire était très compromise. Pour information, le 28 septembre 1914, dans un texte sourcé en 25 N 52, le lieutenant-colonel commandant le 74e R.I indique : le nommé Herda Jacques, convaincu de trahison en présence de l’ennemi sera passé par les armes. Le commandant de la 1ère Cie profitera d’une période d’accalmie pour réunir, soit la section à laquelle appartient Herda, soit toute la compagnie, fera connaître à tous le crime commis et procédera immédiatement à l’exécution.
Ultérieurement, on trouve bien d’autres cas d’exécutés sommaires ou d’abattus. Prisme a rédigé un article sur le cas du soldat Robert qui n’est jamais passé devant un conseil de guerre.
Les exécutés sommaires et les abattus n’ayant jamais été jugés par un conseil de guerre, ils ne possèdent pas de dossier de procédure. Ils n’apparaissent pas sur les minutiers, ni sur les registres des jugements, ni sur l’enregistrement des bulletins n°1, ni sur les tableaux statistiques de l’administration de la justice militaire.
La période de l’instauration des conseils de guerre spéciaux a été propice à cette confusion entre les exécutés sommaires et les militaires français fusillés par les conseils de guerre temporaires spéciaux du fait de la faible documentation et de la mise en œuvre précipitée de ce type de conseils de guerre.
In fine, les exécutés sommaires et les abattus, étant par essence, dépourvus d’archives judiciaires (dossiers de procédure) puisqu’ils ne sont jamais passés devant un conseil de guerre et très souvent d’archives tout court, on ne peut pas déclarer que ces archives judiciaires ont disparu et user de cet argument pour demander une réhabilitation pour ces deux catégories de militaires surtout que la loi du 9 août 1924 a statué sur le cas de ces militaires.
Il est donc impératif de bien distinguer les exécutés sommaires et les abattus des militaires fusillés pour identifier correctement la quantité d’archives judiciaires qui ont disparu.
2- La composition des archives judiciaires militaires :
2-1- Les conseils de guerre temporaires ordinaires :
Pour ces juridictions, on peut trouver :
-des registres des plaintes
-des registres des jugements (dans certains cas, les 2 types de registres sont réunis)
-des minutiers
-des dossiers de procédure
-des dossiers de non-lieu
-les dossiers des conseils de révision.
En plus de ces documents, il existe d’autres documents particulièrement intéressants comme les registres de correspondance, les registres des extraits de rapport, les registres de pièces à conviction, les registres d’enregistrement des bulletins B1 (casiers judiciaires), les tableaux statistiques de l’administration de la justice militaire, les cahiers de proposition de recours en grâce, etc…
Le registre de correspondance de la 76e division d’infanterie fournit un parfait exemple des informations disponibles dans ces documents annexes. En effet, ledit registre fait apparaître au 8 octobre 1914 un courrier du commissaire-rapporteur adressé au commandant du 5e régiment d’infanterie colonial au sujet du soldat Génillier qui devait être traduit devant le conseil de guerre pour abandon de poste, lui demandant ce qu’il était advenu de ce soldat.
Le 17 octobre, le même commissaire-rapporteur adressait plusieurs dossiers au général commandant la 76e division d’infanterie dont celui de Génillier comme on peut le constater ci-dessus. L’action publique s’éteint au décès de l’accusé. Comme la fiche de matricule de ce soldat le précise, Génillier été abattu par une sentinelle lors d’une tentative d’évasion. Ce soldat n’est donc jamais passé devant le conseil de guerre, ni devant le peloton d’exécution. Il est inutile de chercher son dossier de procédure, il n’existe pas d’où la nécessité de bien identifier les fusillés et de ne pas agglomérer les abattus et les exécutés sommaires avec les militaires fusillés qui, eux, sont passés devant un conseil de guerre.
2-2- Les conseils de guerre temporaires spéciaux :
Ce type de conseil de guerre n’apparaît pas sur le code de justice militaire de 1875. Après la parution du décret du 6 septembre 1914, il a fallu attendre le 11 septembre au soir pour que le Grand Quartier général diffuse les conditions de fonctionnement de cette nouvelle juridiction. Les conseils de guerre temporaires spéciaux ont généralement fonctionné au niveau du régiment ou du bataillon sans personnel dédié. De cette création improvisée, il ressort qu’en dehors des dossiers de procédure, les autres documents n’existent pas ou existent sous une forme très locale, une minute de jugement d’un conseil de guerre spécial de division apparaissant parfois dans un minutier des jugements de la division, une liste des condamnés d’un conseil de guerre spécial figurant dans un petit registre. In fine, des minutes de ces jugements ou des listes de condamnés apparaissent quelquefois ici et là sans un véritable ordonnancement.
2-3- Les conseils de guerre permanents :
Ces conseils de guerre possèdent les mêmes minutiers et les mêmes dossiers de procédure que les conseils de guerre temporaires ordinaires avec moins de documents annexes.
2-4- Les sources annexes :
En dehors de toutes ces archives, il faut ajouter les dossiers de recours en grâce du ministère de la Justice qui fournissent beaucoup d’informations (nom, âge, profession, statut social, synthèse des cas, avis des différentes autorités militaires dont parfois celle du général en chef, avis des Ministres de la Guerre et de la Justice). Dans un certain nombre de cas, ces dossiers de recours en grâce sont les seuls documents attestant d’une condamnation à mort.
Il existe également d’autres sources comme les arrêts de la Cour spéciale de justice militaire qui fournissent beaucoup d’informations.
In fine, si les dossiers de procédure sont importants pour la compréhension des événements, il existe d’autres sources qui peuvent fournir beaucoup d’informations.
3-Les bases statistiques des dossiers de fusillés 1914/1918.
Sur les 666 militaires français fusillés aux armées, 133 sont dépourvus de dossiers de procédure. Les 27 militaires français fusillés à l’intérieur ont tous un dossier de procédure. Sur les 693 militaires français fusillés aux armées et à l’intérieur, 133 n’ont pas de dossiers soit 19%.
Sur les 133 militaires français fusillés aux armées et à l’intérieur sans dossier de procédure, 41 possèdent des minutes des jugements qui nous éclairent sur les évènements qui ont conduit ces militaires devant un conseil de guerre. En effet, les minutes des jugements rédigées sur la formule 16bis fournissent un condensé des informations contenues dans les dossiers de procédure. En dehors de l’état civil du militaire jugé, on peut connaître le nom des juges, du commissaire-rapporteur, le nombre et le motif des condamnations antérieures, le nom du défenseur, les questions posées aux juges qui explicitent les faits, le ou les motifs de condamnation retenus. Ces minutes de jugement confortent les présomptions de départ, en l'absence de données plus précises. Par ailleurs, un certain nombre de dossiers de conseils de guerre comportent peu de pièces de forme et de procédure en concordance avec les textes du législateur qui a écrit lors de la création des conseils de guerre temporaires en 1875 : « L’instruction pourra être aussi sommaire qu’on le jugera convenable et les formalités ordinaires ne seront remplies que si on a le temps de les appliquer. »
Huit militaires possèdent soit un dossier de la Cour spéciale de justice militaire, soit un dossier de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, par exemple, qui permettent d’avoir une bonne connaissance de chacune de ces affaires.
Il reste donc 84 cas de militaires français fusillés soit 12,6% pour lesquels les différentes archives sont manquantes.
Parmi ces 84 cas, les autres sources annexes permettent de connaître les motifs de condamnation de 74 militaires. Actuellement, nous n’avons pas pu identifier les motifs de condamnation de 10 militaires français fusillés.
Ces chiffres ne prennent pas en compte les fusillés en Extrême Orient et en zone subsaharienne, ces jugements n’ayant pas de rapport avec le conflit 14/18.
On pourrait croire qu’en absence de dossiers de procédure, la recherche s’arrête là. Il n’en est rien.
Avec le soldat Pierre Mestre, le général Bach a montré que l’absence d’archives judiciaires militaires au Service Historique de la Défense n’empêche nullement de reconstituer l’histoire d’un militaire français fusillé.
Illustration des sources annexes :
Le cas du soldat Valnet illustre nos propos sur les sources annexes. Ce soldat a été jugé par le conseil de guerre de la 154e division d’infanterie dont la quasi-totalité des archives judiciaires ont disparu à la seule exception du dossier du soldat Annuel. Heureusement, la synthèse de la direction des affaires criminelles et des grâces nous rapporte les informations suivantes :
Valnet, 22 ans, célibataire, manœuvre - déjà condamné. Abandon de poste en présence de l’ennemi. Mort. Sans recours en révision.
A manqué à son poste le 2 août au moment où sa compagnie se rendait en courant, prendre position. A allégué qu’il s’était perdu et était resté dans un trou d’obus. En essayant de retrouver sa compagnie, il aurait reçu un éclat d’obus qui l’aurait contraint à aller se faire soigner. Un major [médecin] constata qu’il portait à la main les traces d’une chute et après l’avoir pansé, lui prescrit de rejoindre. Mais il n’en fit rien et le 5 août, un major l’ayant encore rencontré en arrière, lui ordonna de rejoindre. Valnet n’obtempéra que le lendemain matin. Il reconnaît les faits et dans son recours en grâce exprime de vifs regrets de sa défaillance. Son casier mentionne 4 condamnations dont une tentative de vol, une autre pour voies de fait envers un supérieur.
Il fait l’objet d’un recours en grâce, revêtu d’une seule signature d’un des juges militaires.
Toutes les autorités hiérarchiques se montrent défavorables. Sans doute, ainsi que l’allègue le condamné, il a bien fait un aspirant allemand prisonnier mais le colonel déclare que cette occasion, Valnet a fait preuve seulement de sang-froid, ce qui sans sa mauvaise conduite habituelle, lui aurait valu une permission.
La « Guerre » n’a pas l’intention d’entraver le cours de la justice. 12/10/16
A la suite de ces paragraphes, deux autres intervenants du ministère de la Justice ont rajouté : proposition d’adhérer et aucune objection.
Depuis le 17 octobre 1915, l’officier qui a ordonné la mise en jugement d’un militaire, a l’obligation de faire suivre le dossier de procédure d’un condamné à mort si un juge a formé un recours en grâce à destination du Président de la République, ce qui le cas pour Valnet.
La « Guerre » a demandé que la justice suive son cours, la « Justice » a suivi cet avis, le Président de la République a, par le courrier ci-dessus, validé ces choix.
La fiche de matricule de ce soldat est une fiche reconstituée, hormis son état civil, sa taille et son degré d’instruction, cette fiche n’apporte aucune information sur les motifs qui ont conduit Valnet devant le conseil de guerre. La fiche de Non-Mort pour la France, visible sur Mémoire des Hommes nous apprend qu’il a été fusillé à Mailly le 24 octobre 1916.
La synthèse de la « Justice » est donc une source précieuse. Elle permet de savoir que Valnet a été condamné plusieurs fois, que le motif de condamnation est l’abandon de poste en présence de l’ennemi (article 213 alinéa 1 donc la mort), que Valnet n’a pas formulé de recours en révision. Le rédacteur de la synthèse relate les circonstances qui ont conduit Valnet devant le conseil de guerre, l’avis des autorités militaires, l’intention de la « Guerre », les avis de la « Justice ».
Bien sûr, il manque quelques indications comme le nombre de voix pour ou contre la condamnation à mort, le mode de convocation du conseil de guerre en application ou non de l’article 156 du code de justice militaire et dans une moindre mesure les auditions des témoins car la synthèse mentionne les propos du médecin-major qui a forcément été entendu soit par le commissaire-rapporteur, soit lors du jugement suivant le mode de convocation du conseil de guerre.
In fine, la synthèse de la direction des affaires criminelles apporte l’essentiel des informations sur ce dossier et supplée l’absence du dossier de procédure.
Les sous séries 19, 22 et 24 N consultables au Service Historique de la Défense comportent nombre d’informations.
C’est le cas pour ce militaire condamné à mort par le conseil de guerre de la 154e division d’infanterie dont nous avons déjà expliqué qu’elles avaient disparu.
La presse régionale est également une source intéressante qui permet de connaître les faits reprochés à certains militaires.
Les archives judiciaires militaires concernant ce militaire de la 8e Section de Commis et d’Ouvriers militaires d’Administration (SCOA) auteur de ces faits ont disparu.
Les lieux ont été masqués pour préserver l’anonymat de la jeune fille de 13 ans assassinée en 1915 par un soldat qui a été jugé pour ces faits, condamné puis fusillé. En tant que militaire, il a été fusillé ; s’il avait été jugé par une juridiction civile, il aurait été très probablement guillotiné comme cela a été le cas pour les soldats Paudière et Flaguais.
D’autres sources fournissent des informations sur les fusillés dont les archives judiciaires ont disparu. C’est le cas du soldat Lamide fusillé pour le meurtre commis sur monsieur Hupp.
C’est également le cas du soldat Célestin Petit condamné à mort pour l’assassinat perpétré sur l’enfant Julien Lutringer et la tentative d’assassinat sur sa mère.
Ce militaire a été fusillé le 1er septembre 1915. Pour ces cas condamnés par le conseil de guerre temporaire de la 66e division d’infanterie dont les archives ont disparu comme pour des cas similaires, est-il bien impératif de posséder les dossiers de procédure ?
Les dossiers de la Cour spéciale de Justice militaire sont également de précieux documents fournissant beaucoup d’informations sur les circonstances qui ont conduit des militaires français devant un conseil de guerre. C’est le cas du soldat Inclair qui a été acquitté par la Cour spéciale de Justice militaire, la demande de révision à son encontre ayant été acceptée sur la forme et sur le fond.
On le constate, les différentes sources à la disposition des chercheurs permettent de réduire le nombre de cas de militaires français condamnés puis fusillés dont les dossiers de procédure ont disparu.
4-Synthèse :
Indubitablement, les travaux du général Bach l’ont bien montré, les condamnations à mort d’une division à une autre, sont très variables. La 45e division a eu 19 fusillés alors que la 1ère division n’a fusillé que deux militaires français. Il ne faut donc pas confondre les archives judiciaires disparues de certaines divisions avec le taux de condamnation à mort de ces divisions.
Par exemple, la 14e division d’infanterie ne compte que 2 militaires français fusillés ; la 41e, quatorze ; la 47e, huit ; la 66e, seize ; la 51e, trois ; la 71e, deux ; la 129e, aucun. La 133e division ne recense aucun militaire fusillé ; la 134e, aucun ; la 154e, trois ; la 164e, aucun et la 170e, un.
Aujourd’hui, la probabilité de retrouver de nouveaux cas de militaires français fusillés est très faible, même si Prisme en a retrouvé plusieurs depuis la disparition du général Bach. Cela signifie que si les archives judiciaires des 129e ou 133e divisions réapparaissaient par exemple, cela ne changerait en rien le taux global des dossiers de procédure manquants des militaires français fusillés.
La réalité des statistiques concernant les dossiers de procédure disparus des militaires français fusillés est assez différente de l’assertion prononcée au Sénat. Pour la période de 1914 à 1918, en ce qui concerne les militaires français condamnés à mort par des conseils de guerre permanents et temporaires, le taux des dossiers de procédure et sans sources annexes s’élève à 12,6% avec une forte distorsion des taux entre les 2 types de conseils de guerre puisque les militaires français fusillés par les conseils de guerre permanents possèdent tous un dossier de procédure.
Parmi l’ensemble des militaires français fusillés, les motifs de condamnation inconnus sont très rares, ils s’élèvent à environ 1,5%.
Reste que si l’absence des dossiers de procédure est dommageable pour la connaissance de ces évènements, en particulier en ce qui concerne les condamnés à mort et les condamnés à mort par contumace. Cependant, il existe des sources annexes comme les synthèses des recours en grâce qui fournissent des informations suffisamment documentées pour se faire une idée exacte non seulement du motif d’inculpation mais également des circonstances des évènements.
Le pourcentage de 20 à 25% s’explique également par le regroupement abusif des exécutés sommaires et des abattus qui sont en effet souvent comptabilisés à tort avec les fusillés alors que par essence les exécutés sommaires et les abattus n’ont jamais eu de dossiers de procédure puisqu’ils n'ont jamais été jugés.
Qui plus est, l’apparente absence de dossier de procédure ne doit pas être un frein à la recherche des circonstances du décès d’un militaire. Pierre Mestre n’a pas d’archives judiciaires, néanmoins, le général Bach a reconstitué son histoire. Les soldats Le Parc et Robert étaient dans le même cas et pourtant les recherches ont permis à Prisme de reconstituer les circonstances du décès de ces hommes.
Avant de se servir de cet argument des archives judiciaires militaires disparues pour promouvoir la réhabilitation des fusillés, il serait déjà préférable de se plonger dans toutes les archives pour y chercher des réponses.
Faut-il rappeler que tous les militaires français fusillés au cours du conflit 14/18 ont été amnistiés soit 88,4% du panel en application de l’article 6 de la loi du 3 janvier 1925 hormis les cas d’espionnage, de débauchage, de capitulation, de désertion à l’ennemi, de désertion avec complot, de pillage et les crimes punis par le code pénal.
Faut-il également rappeler que le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 décembre 2019 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2805 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant les personnes condamnées à la peine de mort. Dans sa décision, le conseil constitutionnel a écrit entre autres : la réhabilitation « efface la condamnation ». Plus précisément, elle produit, en vertu de l’article 133-16 du CP, les mêmes effets que l’amnistie.
La recherche fait évoluer constamment les données en notre possession. La découverte de nouveaux éléments pourrait nous amener alors à reconsidérer le statut de certains militaires qui, pour l’instant, n’ont pas le statut de fusillés.
Au bilan, quand on prend la peine de se plonger dans les nombreuses archives, le taux actuel des militaires français fusillés non documentés est bien inférieur au taux à 20 à 25% qui sert, à tort, de référence ici et là.
Pour André








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