A travers des articles statistiques, à travers des articles de fond aussi divers que les mutilations volontaires, le code de justice militaire, la notion de fusillés pour l'exemple, l'ambition du Prisme est de fournir un ensemble d'informations permettant aux lecteurs d'appréhender en toutes connaissances de causes et sans parti pris de notre part la problématique des fusillés du conflit 14/18. Notre but n'est pas de juger mais de présenter, d'analyser les faits, de les porter à la connaissance de nos concitoyens au sujet d'une question qui n'est pas seulement d'ordre historique mais enjeu aussi d'un débat mémoriel, encore présent aujourd'hui.

dimanche 29 mai 2022

Au sortir de la guerre, quel destin pour les condamnés à mort par contumace ?

     Comme le rappelait le général André Bach, grand spécialiste du sujet : dans l’étude de la question des fusillés, Prisme tente de se dégager de l’émotion, épluchant les archives et s’astreignant à de longs travaux statistiques qui, par nature, maintiennent à l’écart du vécu des hommes. Cependant, nous savons très bien que la vérité gît aussi dans l’analyse minutieuse de la réalité sur le terrain.

A notre connaissance, les recherches sur les condamnés à mort par contumace sont quasiment inexistantes. Il nous fallait conforter une base statistique déjà robuste propre à établir des conclusions pertinentes.

Comme le souligne Annick Lacroix (1) maître de conférences en histoire contemporaine : qualitatif et quantitatif sont deux approches complémentaires. Quantifier pour argumenter : l’approche quantitative permet de situer un phénomène dans un contexte plus large [.......] elle offre donc des armes supplémentaires pour soutenir une argumentation convaincante, dans une discipline à laquelle on reproche parfois d’accumuler des exemples dont on ne connaît pas le statut ou de mobiliser des citations.

On pourrait penser que si le nombre des contumaces était très faible, comme nos voisins belges pour leurs fusillés, cela ne nous préoccuperait guère. Remarquons, a contrario, que nos voisins italiens ne semblent guère plus intéressés que nos voisins belges sur la question des fusillés alors que leur nombre est beaucoup plus élevé que les militaires français fusillés pour un nombre de soldats engagés bien inférieur. L’intérêt pour les fusillés sera-t-il une spécificité française ?

De nouveau, Prisme s’est intéressé aux parcours de ces militaires et particulièrement au sort qui leur fut réservé au sortir de la guerre. Combien étaient-ils ? Ont-ils été jugés ? Comment ont-ils été jugés ? Combien de condamnés à mort par contumace ont-ils été exécutés ?

Comme le rappelait l’aide-major général Pellé dans sa lettre du 23 octobre 1916 (ci-après) afin que la procédure par contumace soit engagée, il convient que des présomptions sérieuses de culpabilité pèsent sur le militaire soupçonné. Il importe d’ailleurs d’instruire les informations ouvertes contre les absents avec le même soin minutieux que si l’instruction était contradictoire. Est ainsi posée la question des non-coupables : forment-ils une minorité ou la majorité des condamnations à mort par contumace ?

Par voie de conséquence, nous essayerons de découvrir les grandes catégories qui se sont dégagées à la suite des arrêts de ces jugements contradictoires.

Prisme souligne qu’il y a lieu de bien distinguer les jugements par contumace qui sont intervenus au cours du conflit suite des désertions à l’ennemi présumées ou avérées, des jugements par contumace ou contradictoires qui ont eu lieu après l’armistice à l’encontre des militaires dont le comportement envers leur pays ou envers leurs camarades détenus peut être considéré comme répréhensible. Le cas du soldat Huchet, pour lequel nous avons publié un article, illustre parfaitement ces comportements. Nos recherches montrent que ces individus sont plus nombreux qu’on le pense.

Enfin, pour cet article, Prisme a étudié non seulement les condamnés à mort/fusillés à l’issue de ces jugements contradictoires mais l’ensemble des condamnés à mort par contumace pour désertion à l’ennemi.

Nota : toutes les captures d’images non sourcées présentées dans cet article sont issues de MDH/SHD dossiers fusillés, les autres documents sont sourcés.

Les phrases en italique sont la copie exacte des documents originaux quelle que soit leur apparence

1-Résumé du fonctionnement de la contumace :

     Après l’émission de l’ordre de mise en jugement, quand l’accusé d’un crime n’a pu être saisi, le président du conseil de guerre émet une ordonnance indiquant que l’accusé est tenu de se présenter dans un délai de 10 jours. Ce délai passé, le général commandant la division fait procéder au jugement par contumace.

Lors du jugement par contumace, il n’y a pas d’avocat pour représenter l’accusé. Les rapports, procès-verbaux, dépositions des témoins sont lus en entier à l’audience.

Le jugement rendu est alors porté au lieu du siège du conseil de guerre et à la mairie du domicile du condamné.

De par l’article 178 du code de justice militaire, les articles 471, 474, 475, 476, 477 et 478 du code d’instruction criminelle sont applicables aux jugements par contumace rendus par les conseils de guerre.

Le code de justice militaire reproduit dans ses dispositions, à quelques nuances près, les règles du droit commun pour la contumace.

Selon l’article 177 du code de justice militaire, le recours en révision contre les jugements par contumace n’est pas ouvert.

Quand le condamné est arrêté ou s’il s’est constitué prisonnier, il doit être soumis à un nouveau jugement « dit » contradictoire. Ce jugement contradictoire est rendu comme n’importe quel autre jugement. On dit que ce jugement contradictoire « purge » le jugement par contumace.

2- Textes en vigueur au sujet de la contumace :

     Dans les archives, plusieurs documents évoquent cette question.

Le 1er courrier traitant de ce sujet est signé du Général en Chef :

Le ton est donné, les fautifs passeront devant la justice.

Un mois plus tard, le courrier du Ministre de la Guerre est sans ambages.


Les directives suivent.




En mai 1918, cette lettre du sous-secrétaire d’état de la justice Militaire ne change pas de ton.


C’est ainsi que des militaires ont été identifiés dans les convois de prisonniers rapatriés et traduits devant des conseils de guerre.

Ce courrier du sous-secrétaire d’état de la Justice Militaire est largement confirmé par celui de Donat-Guigue directeur adjoint de la Justice Militaire. Dans ce courrier du 13 janvier 1919 n°2771-2/10, le directeur adjoint indiquait : je vous prie de vouloir bien me faire adresser d’urgence la liste nominative des individus condamnés par contumace depuis le 2 août 1914. Cette liste devra donner les renseignements ci-après : nom et prénoms, date et lieu de naissance, résidence avant l’incorporation, bureau de recrutement et corps d’affectation des condamnés, date de jugement, nature du crime et la peine prononcée.

En l’occurrence, ce sergent-major a été acquitté par le conseil de guerre de la 13e division dans sa séance du 8 mars 1919.

Par contre, ce sous-lieutenant jugé par contumace le même jour que le sergent-major ci-dessus, a été condamné par le conseil de guerre de la 13e division dans sa séance du 8 mars 1919 à 1 an de prison.

Même le Maréchal Pétain fixait des directives.


Il existe d’autres courriers évoquant cette question, l’un d’eux traitant des déserteurs mérite qu’on s’y intéresse. Il s’agit d’une note aux Armées signée de l’Aide-Major Général Poindron du G.Q.G référencée n°31 167 du 1er avril 1918 sur les mesures à prendre pour la recherche et l’arrestation des déserteurs. En effet, il était demandé de classer les déserteurs en 2 catégories :

1°- ceux qui se sont présentés volontairement et les déserteurs non récidivistes arrêtés par la police et la gendarmerie.

2°-les déserteurs récidivistes arrêtés par la police et la gendarmerie, et ceux qui sont signalés comme dangereux.

Dorénavant, le Chef de Corps ou de service fera connaître d’urgence au prévôt si le militaire arrêté est un déserteur récidiviste ou s’il s’agit d’un déserteur dangereux qu’il convient de maintenir à la prévôté.

Dans la négative, le déserteur devra être immédiatement reconduit à son corps. Il en sera de même lorsqu’il s’agira d’un militaire en absence illégale.

En cas de maintien à la prison prévôtale, le prévôt en rendra compte immédiatement au Chef d’Etat-Major de la formation près de laquelle fonctionne le conseil de guerre compétent.

Quant aux militaires reconduits à leur unité, il appartiendra aux chefs de corps ou de service de prendre toutes les mesures utiles pour assurer leur maintien à la disposition de l’autorité militaire.

Ces différents courriers affichent clairement la position des autorités civiles et militaires.

Comme on peut le voir ci-dessous, les prescriptions concernant les déserteurs ont bien été suivies.

Ainsi, des feuilles de renseignements concernant des soldats français, prisonniers de guerre, signalés par le commissaire-rapporteur de la 42e division, comme susceptibles de faire l’objet de poursuite à leur retour de captivité, ont permis de suivre ces militaires.

Ci-dessus, une de ces feuilles (par ailleurs bien documentées) signalant un de ces présumés déserteurs concerne effectivement un soldat condamné le 6 juin 1919 par le conseil de guerre de la 42e division à 5 ans de travaux forcés et à la dégradation militaire, coupable d’avoir à Rancourt (Somme) dans la nuit du 22 au 23 septembre 1916, déserté à l’ennemi. Son pourvoi en révision ayant été rejeté, ce militaire a été transféré à la maison centrale de Poissy. Exclu de l’armée, sa peine a été commuée en un an de prison par décret du 22/07/1920. Mis en liberté le 28/09/1921, il sera tout de même dans l’obligation de « parfaire ses obligations » en tant qu’exclu à Collioures puis Mers El Kébir avant sa libération complète le 19/03/1923.

En plus de ces fiches de renseignements, en exécution du télégramme du général commandant en Chef du 17 mai 1918 n°22024, le commissaire-rapporteur était tenu de fournir un état nominatif des militaires ayant fait l’objet ou susceptibles de faire l’objet de poursuites par contumace.

Sur cet extrait de l’état nominatif des militaires ayant fait l’objet ou susceptibles de faire l’objet de poursuites par contumace, la référence (en rouge) à l’ordre général du général Joffre du 28/11/1914 est bien rappelée. Le suivi de ces rapports montre qu’ils étaient adressés, dans un 1er temps, au général de la division avec l’état signalétique et des services du militaire concerné.

Les feuilles de renseignements et les états nominatifs ne sont pas les seuls documents à la disposition de l’autorité militaire pour retrouver les présumés déserteurs à l’ennemi.

Dans ce courrier du général Prax, on voit bien que les auteurs des désertions à l’ennemi sont parfaitement identifiés. La description individuelle de ces déserteurs (nom, prénom, classe, unité, motif de la condamnation, entité qui a jugé) ne laisse guère place à l’erreur. L’un de ces condamnés, D.....(2) Salah ben Mabrouh du 3e régiment de marche de tirailleurs algériens, jugé le 13/03/1917 par le conseil de guerre de la 37e division, est décédé le 29/03/1917 et a été inhumé le même jour au cimetière de Zerensdorf. D’autres portent la mention « non jugé» ce qui signifie que l’autorité militaire, bien conscience que ces militaires, même s’ils n’avaient pas fait l’objet d’un jugement par contumace, seront recherchés et mis en jugement pour les faits qui leur sont reprochés.

Un autre document administratif a été également utilisé, il s’agit du bulletin de recherches des déserteurs et insoumis dont on retrouve la mention dans les dossiers des militaires en fuite.

Prisme a également pris en compte une dernière catégorie de militaires initialement considérés comme prisonniers mais qui ont été inculpés après-guerre puis jugés devant un conseil de guerre comme déserteurs à l’ennemi suite à la parution de rapport les mettant en cause.

A travers tous ces documents administratifs, on constate que les déserteurs à l’ennemi ont fait l’objet d’un suivi particulier de la justice militaire y compris à travers le fameux fichier de position (au groupe 12, c’est ce qu’on voit sur les documents ci-dessus), pour déterminer, à leur retour, dans quelle mesure ils étaient coupables des actes qui leur étaient reprochés, qu’ils aient été jugés par contumace ou pas.

3- Répartition des motifs de condamnation à mort par contumace :

     Prisme a quantifié les différentes causes de condamnation à mort des militaires français jugés par contumace. C’est avec un mixte des dossiers de procédure et avec l’aide des fiches de matricules des militaires français que nous avons évalué ces cas.

Pour cet article, comme nous l’avons déjà signalé, Prisme n’a pas retenu, dans son panel d’étude, les militaires français condamnés à mort par contumace au sortir de la guerre, pour des actions envers leurs semblables ou pour intelligence avec l’ennemi au cours de leurs détentions. 

Prisme a différencié 2 grandes catégories :

  -celle de motifs de condamnation regroupés avec l’article 238 (désertion à l’ennemi). Le jugement peut mentionner la désertion à l’ennemi mais également un abandon de poste en présence de l’ennemi par exemple. La désertion à l’ennemi pouvant, bien évidemment être le seul motif d’accusation. Dans ce cas, le militaire mis en cause est présumé être « passé » à l’ennemi. Cette recherche montre que 86,3% des jugements par contumace figurent dans cette catégorie.

  -celle ne faisant pas référence à la désertion à l’ennemi comme un abandon de poste en présence de l’ennemi. Les militaires mis en cause qui n’ont pas pu être repris par la gendarmerie ou la police, ont donc été jugés par contumace et sont cachés quelque part sur le territoire national par exemple. Cette catégorie rassemblant l’ensemble de ces motifs ne représente que 13,9% du panel. Très majoritairement, c’est l’abandon de poste en présence de l’ennemi que l’on retrouve dans cette catégorie. On trouve également quelques cas d’espionnage (article 206), de capitulation (article 210), de refus d’obéissance pour monter contre l’ennemi (article 218), de voies de fait (article 223), de crimes punis par le code pénal (article 267) en l’espèce, il s’agit d’assassinats ou de tentatives d’assassinat qui sont sanctionnés de la même manière : la peine de mort.

C’est le cas du fusillé Saumureau qui a été jugé le 11 janvier 1917 et condamné à mort par contumace par le conseil de Guerre de la 132e division pour voies de fait et tentative d’assassinat.

Il faut remarquer que dans plusieurs cas, les motifs entre les jugements par contumace et contradictoires peuvent être légèrement différents. Le dossier du fusillé Pierre, évoqué ci-après, illustre ces divergences.

4- Répartition temporelle des jugements contradictoires 

     Prisme a distingué les jugements contradictoires en 2 groupes :

A-Jugements contradictoires survenus au cours du conflit : 

Dans l’état actuel des recherches, nous n’avons recensé que 26 jugements contradictoires qui ont eu lieu au cours du conflit :

-1 militaire a eu son jugement par contumace du 11/08/1916 annulé le 16/11/1916, il s’agit de R.....(2) Albert Urbain 

-11 militaires ont été acquittés : B.....(2) Henri, B.....(2) Armand, C.....(2) Roger, M.....(2) Jean Pierre, R.....(2) Félix, T.....(2) Pierre, T.....(2) Louis, T......(2) Henry, T....(2) Robert, T.....(2) Jean Michel, , V......(2) Jean. A signaler, 3 de ces militaires se sont évadés des camps de prisonniers allemands.

Après son acquittement, le soldat R.....(2) Félix, fut mis dans un 1er temps en sursis aux mines de Castillon de Gagnières avant de retourner au dépôt pour intégrer le 17e BCP puis le 1er régiment de Zouaves. Passé au 4e régiment de Zouaves le 6 juillet 1918, Robert(2) Félix est en campagne dans le Sud Tunisien avant d’être hospitalisé dans l’hôpital militaire n°31 d’Aubenas où il décédera le 2/10/1918 d’une maladie imputable au service.

-2 militaires ont été condamnés à 1 an de prison avec sursis pour l’un : B.....(2) André ; pour l’autre : D.....(2) Charles Rémy, la peine a été suspendue, cette suspension a été révoquée. Ce militaire est passé au 95e RI en juillet 1918 après une remise de peine de six mois.

-1 militaire a été condamné le 08/09/1917 à 3 ans de travaux publics : B....(2) Alfred félix. Il a été envoyé en congé de démobilisation le 1er juillet 1920. 

-3 militaires ont été condamnés à 5 ans de travaux publics (peine suspendue pour C.....(2) Frédéric ; multirécidiviste, D.....(2) René est décédé à Souk Abras le 27/01/1918 ; rapatrié de Suisse le 18/06/1918, le capitaine M.....(2) Georges Edmond a bénéficié du sursis.

- M.....(2) Rémy a été condamné à 10 ans de travaux publics pour désertion avec complot, il a libéré le 29/07/1921.

- D.....(2) Charles a été condamné le 06/03/1917 à 10 ans de travaux publics pour rébellion avec armes, outrages et voies de faits envers supérieurs. Ecroué à Collioures, évadé, repris et condamné à plusieurs reprises, ce militaire est décédé en 1924 à Cayenne purgeant une dernière peine de travaux forcés à perpétuité pour assassinat.

- G.....(2) Gaston Albert a été condamné à 20 ans de détention ; ayant obtenu une remise de peine, il a été remis en liberté.

- D.....(2) Louis a été condamné à 20 ans de travaux forcés. Affecté à l’atelier de travaux publics de Poissy, il a été gracié et libéré en mars 1920.

- G.....(2) Hippolyte Philippe a été condamné aux travaux forcés à perpétuité. Ayant obtenu une remise de sa peine par décret présidentiel du 17/12/1919, a été mis en congé illimité de démobilisation le 27/12/1919.

- R.....(2) René Auguste Charles. Déserteur à l’ennemi, ce militaire s’est évadé de son camp de prisonniers. Condamné à mort le 18/09/1915, le Président de la République a commué la peine de mort en 8 ans de prison. Le 20/10/1915, le général en chef ayant prononcé le sursis à l’exécution de cette peine, ce soldat est passé au 175e, puis au 84e enfin au 44e régiment d’infanterie. Par décret du 25/07/1919, le Président de la République a accordé une remise du restant de sa peine.

-1 militaire qui a été condamné à mort puis fusillé, il s’agit du soldat Pierre Julien.

Malheureusement, le dossier de procédure du soldat Pierre est manquant, ce qui a eu pour conséquence que son cas a été mal appréhendé par le passé. On a oublié que son jugement du 1er février 1915 était un jugement contradictoire qui a fait suite à un jugement par contumace du 29/12/1914 de la 2e Division d’infanterie coloniale. Pierre était accusé de désertion à l’ennemi et d’espionnage. Comme le prévoit l’article 180 du code de justice militaire, le président du conseil de guerre a procédé à la reconnaissance de l’accusé qui a reconnu que le jugement du 29/12/1914 s’appliquait bien à lui. La minute du jugement du 1er février 1915 nous apprend que le ministère public (le commissaire-rapporteur), le défenseur et l’accusé n’ont présenté aucune observation après la lecture des dépositions des trois témoins des faits. A « l’issue des débats », le soldat Pierre a été reconnu coupable d’avoir abandonné son poste le 29 octobre 1914 à Virginy (Marne), de l’avoir abandonné en présence de l’ennemi, d’avoir déserté à l’ennemi. A la question de savoir s’il avait entretenu des intelligences avec l’ennemi dans le but de favoriser ses entreprises, à la majorité de 3 voix contre 2, la réponse des juges a été non. Deux jours après son jugement contradictoire, comme le prévoit l’article 187 du code de jugement militaire, le soldat Pierre a été fusillé.

Le soldat Pierre a été jugé au cours de la 1ère période de l’exceptionnalité du recours en grâce. Ce recours ne dépendait, du fait de la circulaire ministérielle du 1er septembre 1914 et dans cette affaire, que de la décision du général de division. Le recours en révision était suspendu depuis le 17 août 1914. Prisme n’a pas trouvé trace d’un recours en grâce dans les archives militaires. Rappelons la phrase phare de la circulaire ministérielle du 1er septembre 1914 : Dès qu’une condamnation capitale, prononcée par un conseil de guerre sera devenue définitive……, l’officier qui a ordonné la mise en jugement, prendra immédiatement les mesures nécessaires pour assurer l’exécution du jugement à moins qu’exceptionnellement il n’estime qu’il y a lieu de proposer au Chef de l’Etat une commutation de peine.

Cette période, qui court du 1 septembre 1914 au 20 avril 1917, a été référencée, par le général Bach, comme la période de l’exceptionnalité du recours en grâce.

L’absence du dossier de procédure laisse planer des interrogations sur ce dossier. Certes, Pierre a déserté du 29/10/1914 jusqu’à la mi-janvier, est-il revenu de son propre-chef ? s’est-il évadé des emprises de l’ennemi ? s’est-il caché pendant cette période, comment a-t-il été repris par la gendarmerie ?

Natif de Nouvelle-Calédonie, installé dans les Bouches du Rhône, engagé volontairement pour 5 ans en octobre 1911, le soldat Pierre a été porté déserteur en mai 1913 avant d’être arrêté en juin 1914. La désertion à l’intérieur en temps de paix n’était sanctionnée que par une peine de 2 à 5 ans de prison. Les prémices de la guerre étant perceptibles, la peine de Pierre a probablement été suspendue mais les faits étaient toujours mentionnés dans son dossier ; on peut penser qu’une désertion de cette durée a influencé les juges lors du jugement contradictoire du 1er février 1915 comme une nouvelle récidive.

Reste que nous n’avons pas suffisamment d’éléments factuels pour déterminer si c’est la désertion à l’ennemi (article 238) ou l’abandon de poste en présence de l’ennemi (article 213) qui est responsable de sa condamnation à mort.


La seule remarque que l’on puisse formuler est que le jugement par contumace du 29/12/1914 ne portait que sur un abandon de poste en présence de l’ennemi, motif largement suffisant, au cours de cette période, pour envoyer un militaire devant un peloton d’exécution.

D’autres cas sont plus rocambolesques comme celui du soldat C.....(2) Frédéric. Ce militaire, cuisinier à la 5ème compagnie du 3e RIC, était au repos avec ses camarades au piton rocheux à Brnik en Serbie. Le 22 avril 1917, laissant armes et équipements, il abandonnait son unité. Suivant la voie la voie ferrée, il se rendit à Salonique où il demeura un mois avant d’embarquer clandestinement sur le paquebot « Ville d’Oran » qu’il croyait en partance pour la France mais qui vogua vers Madagascar. Ce militaire débarqua lors d’une escale à Port Saïd et se constitua prisonnier au consulat de France qui l’envoya à la 14e batterie du 5e RAC où il séjourna jusqu’au 29 juillet.

Sur l’entrefaite, le 29 juin, le conseil de guerre de la 17e DIC s’était réuni et avait condamné à mort par contumace ce soldat pour abandon de poste en présence de l’ennemi. Ce jugement a été affiché sur la porte de la mairie du domicile de C.....(2) Frédéric. Son casier judiciaire ne fait mention que d’une condamnation mineure de 15 jours de prison avec sursis pour destruction d’objets d’utilité publique en octobre 1900. Son relevé des punitions encourues comporte 3 punitions sanctionnées au total par 12 jours de prison.


Embarqué sur le « Natal », il arriva à Marseille le 12 août. Incarcéré, C.....(2) Frédéric s’évada et se rendit à Nantes en passant par Paris, Villers-Cotterêts puis Crépy en Valois où il demeura plusieurs jours dans sa famille. Enfin, ce militaire se rendit à La Rochelle puis à Rochefort où il se constitua prisonnier le 27 août au dépôt du 3e RIC. Ce soldat était considéré comme un soldat pas « dévoué » qui avait été puni de 2 jours de prison, trois jours avant son abandon de poste et devait être relevé de son emploi de cuisinier. Les mobiles de son acte auraient été le découragement de savoir ses enfants malades et de ne pas recevoir de correspondance.

Le 22 décembre 1917, le conseil de guerre de la 17e DIC s’était réuni pour juger contradictoirement ce soldat. Son défenseur était un lieutenant du 1e RIC désigné d’office. C......(2) Frédéric fut reconnu coupable d’avoir abandonné son poste en présence de l’ennemi. A la majorité, les juges ont considéré qu’il existait des circonstances atténuantes et ont condamné C.....(2) Frédéric à cinq ans de travaux publics.

Par décision du 24 décembre 1917 du général Têtard commandant la 17e DIC, la peine de cinq ans de travaux publics a été suspendue, C.....(2) Frédéric a été transféré au 2e bataillon indo-chinois puis au 3e RIC avant d’être mis en congé illimité de démobilisation en mars 1919 à Nantes.

Depuis la loi du 27 avril 1916, les circonstances atténuantes peuvent être admises pour les crimes « militaires », c’est une des mesures phares de cette loi. En décembre 1917, C.....(2) Frédéric a été jugé identiquement au temps de paix. La suspension de peine est une mesure que l’on trouve fréquemment lors d’une condamnation à une courte peine, le commandement ayant besoin de tous les hommes. In fine, ce militaire condamné à mort au cours de la période où le fonctionnement de la justice militaire était redevenu normal, a retrouvé le cours normal de sa vie dès mars 1919. Les juges ont, sans doute, été convaincus par ses explications, par le fait qu’il se soit rendu aux autorités même si son parcours était entaché par une évasion.

B-Jugements contradictoires survenus après l’armistice : 

Les autres jugements contradictoires ont eu lieu après l’armistice parfois plusieurs années après, voire dizaines d’années après.

C’est le cas d’un militaire jugé le 4 juin 1937 par le conseil de guerre de la 15e Région militaire à Marseille. Le journal « Le Petit Provençal » du 5 juin 1937 narre ainsi ce procès : L’affaire qui est évoquée aujourd’hui devant le Tribunal militaire de la XVe région est vieille de vingt ans et nous reporte à la Grande Guerre. Sans doute ne serait-elle jamais venue devant cette juridiction, si ce n’étaient les sanglants évènements d’Espagne, incitant nombre de déserteurs français des années 1914 à 1918, à fuir ce pays et à venir faire leur soumission en France.

R.....(2) Pierre François, âgé de 42 ans, soldat du recrutement de Montpellier, incorporé au 84e régiment d’infanterie, a déserté à l’ennemi. Nous sommes en 1918, le 3 mars, tandis que le sol de la France est ravagé par la mitraille et que la mort impitoyable fauche des vies humaines, le corps expéditionnaire d’Orient combat en Serbie contre les Bulgares et la guerre, là-bas, n’est pas moins meurtrière qu’ici. Le 84e fait partie de ce corps expéditionnaire et après trois ans et demi de guerre, R.....(2) en a assez ! L’occasion de fuir à l’ennemi s’offre à lui. Il la saisit.

De cette désertion proprement dite, on ne peut s’attendre à apprendre quelque chose de nouveau à l’audience et à vingt ans de distance, un accusé a toujours la ressource d’invoquer sa mémoire défaillante, même quand il s’agit de faits aussi graves.

Bref, le 3 mars, le déserteur a quitté les lignes françaises. Un peu plus de deux mois après, le Conseil de guerre de la 122e division le condamne à mort par contumace, mais 1918 s’est achevé et l’armistice et la paix signés, R.....(2) s’est installé en Espagne où il coule des jours heureux et où il a trouvé à Barcelone un emploi d’économe.

En France, on n’entend plus parler de lui jusqu’au 23 août 1936. En août, toutefois, l’Espagne est devenue inhospitalière, l’insécurité y est grande et R.....(2) pense plus prudent de franchir la frontière et de venir se constituer à la gendarmerie de Port-Vendres. Il sait que dans son pays, la peine qui lui a été infligée sera singulièrement réduite et c’est pour lui la meilleure raison de retourner…...dans sa patrie.

Les débats qui s’ouvrent comme à l’accoutumée dans l’arrière salle du bas fort Saint-Nicolas, sont présidés par M. le conseiller à la Cour, De Comte ; le colonel Serment est au siège du commissaire du gouvernement ; Me Marcel Jouve est au banc de la défense et les fonctions de greffier sont remplies par l’adjudant-chef Guiraud.

L’interrogatoire de l’accusé terminé, on entend les deux témoins cités. Ce sont l’ancien caporal de R.....(2) devenu agent de police dans une ville du centre et un soldat qui déserta en compagnie de l’accusé.

Ce compagnon de R.....(2) [il s’agit du soldat T....(2) Marius de la même unité], condamné lui-même à mort par contumace, puis à la suite d’un recours en grâce, à 20 ans de travaux forcés seulement et, à 10 ans de prison, ces dix ans aujourd’hui accomplis.

Le colonel Serment requiert avec fermeté, puis Me Marcel Jouve plaide le projet de loi d’amnistie pour les déserteurs à l’ennemi ayant plus de trois mois de front. Me Marcel Jouve sollicite l’acquittement de son client. Après une courte délibération, Rameau est finalement condamné à cinq ans de travaux forcés.

Ce compte-rendu comporte quelques erreurs : le soldat T....(2) Marius a été rapatrié le 10 novembre 1918. Il a été condamné contradictoirement le 3 avril 1919 par le conseil de guerre de la 122e division à 20 ans de travaux forcés et écroué à la maison centrale de Riom. Par décret du 30 décembre 1921, le restant de sa peine a été commué en 5 ans de détention. Finalement, par arrêté du 28 mars 1923, T....(2) Marius a été libéré conditionnellement avant d’être libéré du service actif et renvoyé dans ses foyers le 5 mai 1923.

Quant au soldat R.....(2), son pourvoi en révision ayant été rejeté le 2 juillet 1937 par l’arrêt de la Cour de Cassation, il est devenu exclu colonial après sa condamnation définitive. Par décret en date du 19 avril 1938, le Président de la République a admis l’exclu de l’Armée R.....(2) au bénéfice de l’article 9 de la loi du 12 juillet 1937.

Le parcours de R......(2) Pierre François est un plus « troublé » que l’article du journal le présente. Engagé volontaire pour 5 ans en avril 1914, caporal en octobre 1914, il est déclaré déserteur le 5 septembre 1916. Arrêté à Sigean le 18 septembre 1916 par la gendarmerie, transféré vers son unité, cassé de son grade pour sa désertion, R..... (2) Pierre François a été transféré au 214e RI le 27/10/1916 puis au 176e RI le 9 août 1917 et enfin au 84e RI le 10/11/1917. Incarcéré pour une raison que l’on ignore, R.....(2) Pierre François a profité d’un manque de surveillance de la sentinelle de garde pour s’évader de prison le 6 mars 1918 ce qui a provoqué sa condamnation à mort par contumace.

La loi d’amnistie du 12 juillet 1937 qui dépasse le seul cadre des conséquences judiciaires du conflit 14/18, comporte un article 7 qui traite de l’amnistie pleine et entière qui est accordée pour toutes les infractions [listées dans le texte de loi] prévues par le code de justice militaire du 9 mars 1928 et commises antérieurement au 2 mai 1937 et un article 9 qui traite plus spécifiquement de la désertion, rédigé ainsi : Pourront être admis, par décret, au bénéfice de l’amnistie, les faits de désertion et d’insoumission antérieures au 24 octobre 1919, dont les auteurs auront appartenu effectivement à une unité combattante, ou auront été blessés ou cités ; la demande devant en être faite au plus tard à compter de la constitution de la commission ci-après.

Cette admission ne pourra être prononcée qu’après avis favorable d’une commission dont la composition sera fixée par décret et qui comprendra en majorité des anciens combattants, titulaires de la carte du combattant, désignés par le Ministre de la défense nationale et de la guerre, sur présentation de l’office national des mutilés, anciens combattants, victimes de la guerre et pupilles de la nation et choisis, soit parmi les membres élus de l’office, soit parmi les candidats présentés par les associations d’anciens combattants.

Pour le soldat R.....(2)  Pierre François, cela signifiait qu’il était libre.

Avec ce récit comme avec d’autres, on ne peut s’empêcher de penser à cette phrase du général André Bach « on touche là un des paradoxes de cette justice qui, en punissant les crimes militaires, aboutissait à éviter à certains de leurs auteurs le danger suprême qui guettait quotidiennement tous les autres combattants ».

5- Evaluations statistiques des jugements contradictoires :

     Pour retrouver ces jugements, Prisme a utilisé toutes les sources existantes comme les dossiers de recours en grâce, les fiches de matricule des condamnés à mort par contumace. Ces fiches, comme nous l’avions déjà constaté avec les fusillés, sont très inégalement fiables. Très imparfaitement rédigées, possédant des ratures dues aux amnisties d’après-guerre ou des retombes collées rendant illisibles la lecture sans un microscope multispectral, une bonne partie de ces fiches n’apporte aucune réponse quant aux arrêts des jugements contradictoires recherchés.

Une trentaine de ces militaires sont originaires d’Afrique du Nord ou subsaharienne, il sera très difficile de retrouver les fiches de matricule de ces contumaces.

Au total, pour diverses raisons, à ce jour, 12,96% des jugements contradictoires ne nous sont pas connus.

A l’issue de ces jugements, comme le mentionne l’article 185 du code de justice militaire, plusieurs peines peuvent être appliquées par les tribunaux militaires :

-la mort

-les travaux forcés à perpétuité

-la déportation

-les travaux forcés à temps

-la détention

-la réclusion

-le bannissement

-la dégradation militaire

Et bien entendu, si les faits ne sont pas avérés, l’acquittement.

A-Jugements contradictoires à mort :

Au bilan, Prisme a dénombré 77 condamnations à mort pour 71 condamnés. En effet, 6 de ces jugements contradictoires ont été cassés.

Rejugés, 6 de ces militaires ont été recondamnés à mort, 3 ont vu leur peine commuée en travaux forcés à perpétuité, 2 en 20 ans de détention. Le dernier a été acquitté.

Hormis ces 6 cas, 9 soldats ont eu leurs jugements contradictoires cassés. Rejugés, 3 ont été condamnés à 20 ans de travaux forcés, un à 10 ans de travaux forcés, un à 8 ans de travaux publics, un à 5 ans de prison, deux ont été acquittés, le dernier a eu son jugement cassé sans renvoi.

Au bilan, 45 peines de mort ont été commuées soit 64% du panel.

Au total, au sortir de ces grâces, toutes ces peines se répartissent ainsi :

-11 peines de travaux forcés à perpétuité. Hormis la peine de mort, ce type de peine est la plus lourde à la disposition des juges militaires.

C’est le cas du soldat G.....(2) Louis jean.

Ce militaire a été condamné à mort par contumace le 30/06/1916 par le conseil de guerre de la 9ème division pour désertion à l’ennemi. Rapatrié et rentré au dépôt le 26/09/1919, G.....(2) Louis jean a été dirigé le 11/10/1919 vers Orléans en prévention du conseil de guerre. Condamné à mort le 18/11/1919 par le conseil de guerre de la 5ème Région Militaire pour abandon de poste en présence de l’ennemi et désertion à l’ennemi, peine commuée en travaux forcés à perpétuité le 10/02/1920, peine commuée en 20 ans de travaux forcés le 30/11/1920, commuée en 5 ans de détention le 24/06/1922, affecté au dépôt d’exclus métropolitains de Nemours en avril 1925, renvoyé dans son foyer le 11/01/1927.

Malgré les avis du commissaire du gouvernement et du général commandant la 5ème région Militaire, « la Guerre » a recommandé la commutation en travaux forcés à perpétuité suivi en cela et comme très souvent par la « Justice », le Président de la République avalisant cette peine. Comme pendant le conflit, la direction du contentieux du Ministère de la Guerre l’ayant recommandé, G.....(2) Louis jean a été gracié.

Autre cas de condamnation à mort qui a fait l’objet d’une grâce présidentielle, celle du soldat D.....(2) Albert.

Après enquête approfondie, le caporal Pérouzel, chef de poste déclare ne pas connaître l’heure de la disparition du soldat D.....(2). Le soldat Morice qui était en sentinelle à 15 heures, qui prétendait l’avoir vu vers cette heure, avoue également ne pas se rappeler à quel moment exactement il l’a aperçu pour la dernière fois. Mais tous les deux sont certains qu’il était encore là entre 11 et 12 heures ; ce témoignage est confirmé par les déclarations des soldats signaleurs Beucher et Boschat de la 1ère Compagnie dont le poste est situé à côté du barrage.

Le caporal Pérouzel déclare avoir fait relever ce dernier de sentinelle entre 11 et 12 heures et le croyait à se reposer dans la sape à proximité du barrage, il s’aperçut de son absence au moment de la distribution des lettres, c’est-à-dire entre 15 h 30 et 16 heures, mais ne s’en est inquiété qu’au moment de la soupe de 17 heures et n’a prévenu son chef de section et le commandant de compagnie qu’à 18h30.

Le capitaine Le Guennic a fait aussitôt procéder à des recherches dans l’ouvrage et ses alentours ainsi que dans les ouvrages voisins. Ces recherches n’ayant donné aucun résultat, il prévint le chef de bataillon vers 20h30.

Après avoir reçu des ordres du chef de bataillon, le capitaine Le Guennic fit prévenir entre 21 h 45 et 22 h 30 les commandants de compagnie de 1ère ligne de faire exercer une surveillance particulière.

Les recherches continuèrent dans la matinée du 6 juin dans les différents ouvrages et les cuisines.

Vers 8h30, le capitaine Boucher, commandant du quartier M1, qui avait été prévenu dans la nuit, a fait prévenir le capitaine Le Guennic commandant de la 4e compagnie qu’un fusil et des équipements avaient été trouvés vers 12h30 dans une feuillée à proximité du petit poste n°1. Ces équipements ayant été rapportés à l’ouvrage Roca, le caporal Pérouzel et le soldat Bigot croient les reconnaître comme étant ceux du disparu.

D.....(2) exerçait dans le civil, la profession de clerc de notaire. C’était un soldat très médiocre, d’une nature renfermée, causant peu et n’ayant pas d’amis. Son chef de section, le sous-lieutenant Adam et les hommes de son escouade s’accordent à dire qu’il avait très souvent des allures bizarres. Il appartenait à la classe 1903, était marié et père de 2 enfants, il était arrivé en renfort à la compagnie le 30 juin 1915.

Le soldat D.....(2) avait été puni de 60 jours de prison pour être rentré de permission le 23 janvier dernier avec un retard de 48 heures.

Il est joint un cahier trouvé dans son sac sur lequel il a écrit quelques vers (seul papier qu’il a laissé) ; il y a en plus une lettre qui est arrivé après son départ.

Le capitaine Le Guennic

Ce rapport a été transmis au colonel du régiment le 6 juin 1916, la procédure était lancée. Le 12 juin 1916, le colonel Buhler commandant le 47e régiment d’infanterie adressa une plainte au général Hennocque commandant la 20e division Le 24 juillet 1916, suivant la procédure classique de l’article 108 du code de justice militaire, le général Hennocque a ordonné la mise en jugement de D.....(2) prévenu de s’être rendu coupable le 5 juin 1916 de désertion à l’ennemi et d’abandon de poste en présence de l’ennemi. Un mandat d’amener et une ordonnance de perquisition ayant été lancés par le commissaire-rapporteur, les gendarmes se sont rendus au domicile de D.....(2), ce qui a permis de trouver une lettre de ce soldat provenant d’Allemagne. Le casier judiciaire de ce soldat est quasiment vierge. Comme la procédure du code de justice militaire le prévoit à travers l’article 175, le président du conseil de guerre a ordonné à D.....(2) de se présenter sous les 10 jours. Ce délai passé, sans nouvelle de ce soldat, le président du conseil de guerre a ordonné la tenue du conseil de guerre pour le 11/08/1916. A l’issue de ce conseil de guerre, ce soldat a été condamné à mort par contumace le 11/08/1916 en application des articles 213 et 238 du code de justice militaire.

Ce jugement a été affiché sur la porte du lieu du siège du conseil de guerre et sur la porte de la mairie de la résidence de D.....(2). Comme on le souligne rarement, un extrait du jugement a été adressé au directeur de l’enregistrement, des domaines et du timbre du département d’Ille et Vilaine. En effet, comme le prescrit l’article 139 du code de justice militaire, le président du conseil de guerre liquide les frais du jugement, pour ce cas d’un montant de 12,80 francs, pour lequel il délivre un [titre] exécutoire pour le recouvrement de ladite somme sur les biens présents et à venir du condamné par les percepteurs des contributions directes.

Autre sanction, le caporal Perouzel a été cassé de son grade pour avoir tardé à prévenir sa hiérarchie de la désertion de D......(2). Le capitaine Le Guennic et le sous-lieutenant Adam ont également été punis pour le même motif.

Prisme détaille ces dossiers, pour montrer que malgré les procédures réduites d’un conseil de guerre temporaire, malgré la charge de travail du commissaire-rapporteur (ce jugement est 143e depuis le début du conflit soit en moyenne un jugement tous les 5 jours), ces procédures n’ont pas été bâclées.

L’histoire continue….

Habillé en civil, le soldat était porteur d’une permission de 45 jours valable du 29 janvier au 14 mars 1919 pour St Servan (Ille et Vilaine), permission délivrée, au titre « PG » rapatrié, par M le chef de bataillon commandant le dépôt du 41e régiment d’infanterie à Rennes le 26 janvier. Or, D.....(2) est un déserteur. Il figure aux bulletins de recherches n°234 du 3 juillet 1916 sous le n°56102 et 238 du 31 juillet 1916, sous le n° 57198 : « mandat d’amener de M le commissaire-rapporteur près le conseil de guerre de la 20e division en date du 6 juillet 1916, pour abandon de poste en présence de l’ennemi. D.....(2) m’a avoué qu’il cherchait à fuir en Espagne par la montagne parce qu’il se savait condamné à mort. En plus des permissions, D.....(2) était porteur de plusieurs certificats établissant qu’avant la guerre, il était clerc de notaire qui passait rapidement d’une étude à l’autre.

Le 13/02/1919, le capitaine de vaisseau Capdeviele commandant la place d’armes de Bayonne, ordonna le transfert sous escorte de gendarmerie de D.....(2), incarcéré dans la maison d’arrêt, vers la prévôté de la 20e Division.

La procédure envers D.....(2) était relancée. Elle commença, comme tous les jugements contradictoires par la reconnaissance d’identité comme le prescrit l’article 180 du code de justice militaire. A cet effet, les soldats Marion et Illiet du 47e régiment, convoqués par le commissaire-rapporteur, ont formellement reconnu D.....(2). En vertu de l’ordre d’informer du 18 juin 1916, le général commandant la 20e division ordonna que le conseil de guerre soit appelé pour statuer sur le cas de ce soldat le 25 juin 1919 à 8h30. Le conseil de guerre était convoqué au palais de justice de Schestadt et les témoins requis étaient les soldats Marion, Illiet, Perouzel, Morice, Bigot et le capitaine Le Guennic. Les notes d’audience apportent quelques compléments aux données connues :

- D.....(2) déclare être passé à l’ennemi résolument parce qu’il était épuisé au point de vue physique et qu’il était mal vu à sa compagnie. Indique qu’il n’a donné aucun renseignement à l’ennemi

- Bigot ne connaît rien à l’affaire

- Marion, cordonnier à Dol (Ille et Vilaine) ancien soldat au 47e RI connaît l’accusé, était dans la même section que lui. Confirme la désertion.

- Illiet, clerc de notaire à St Sevran, soldat au 47e RI connaît l’accusé depuis longtemps. Ne le fréquentait pas au régiment. Appartenait à la même étude que D.....(2). A appris la désertion mais ne peut rien préciser.

- Perouzel, agent de police à St Malo, ancien caporal au 47e RI, chef d’escouade de D.....(2). A signalé la désertion quand il a vu que D.....(2) ne rentrait pas après lui avoir dit qu’il allait à la coopérative. D.....(2) était un soldat médiocre. N’a jamais remarqué que les chefs de D.....(2) aient manifesté contre lui un acharnement quelconque.

- le capitaine Le Guennic, cité, tué à l’ennemi le 6 septembre 1916, ne répond pas.

- Morice, cité, ne répond pas non plus.

Réquisitoire : crime avoué et sans excuse. Moral déplorable qui résulte d’une correspondance saisie chez sa femme. Préméditation bien établie. Peine exemplaire.

Défense : les faits sont patents, avoués. D.....(2) est un malheureux, un illuminé. Victime de mauvaises théories. A droit à une certaine indulgence et à de la pitié. L’accusé confirme ses précédentes déclarations.

A noter, le capitaine Le Guennic, tué à l’ennemi le 6 septembre 1916, n’était évidemment pas présent mais ayant été auditionné le 6 juillet 1916 par le commissaire-rapporteur de la 20e division (pièce 16 du dossier de procédure), son témoignage a été lu lors du conseil de guerre.

Le 25 juin 1919, D.....(2) a été reconnu, à l’unanimité, coupable d’avoir à la Houyette (la Harazée) abandonné le poste qui lui était assigné pour la garde du barrage n°18, d’avoir abandonné son poste en présence de l’ennemi, d’avoir à la Houyette (la Harazée) déserté à l’ennemi. D.....(2) a été condamné à la peine de mort et à la dégradation militaire.

A la majorité de 4 voix contre une, il lui a été refusé le bénéfice des circonstances atténuantes.

D.....(2) ne s’est pourvu ni en révision, ni en cassation mais comme le prévoit le décret du 20 avril 1917, un recours en grâce a été automatiquement adressé au Président de la République. Le sous-secrétaire d’état de la justice militaire, par l’intermédiaire de la direction du contentieux, adressait le 12 août 1919 au Garde des Sceaux son intention vis de vis de ce militaire.

Dans ce dossier, on apprend que le président du conseil de guerre a signé un recours en grâce. On apprend également que les autorités hiérarchiques ont émis un avis défavorable en raison de la préméditation. La « justice » a adhéré à l’avis de la « Guerre ».

Par un décret du 25 août 1919, le Président de la République a commué la peine de mort prononcée contre le soldat D.....(2) en travaux forcés à perpétuité.

Comme Prisme l’a écrit dans un article publié en mars 2015 sur les dossiers de recours en grâce 1917/1918 du Ministère de la justice, la « Justice » suit quasi systématiquement l’avis de la « Guerre », le Président de la République avalisant cette décision. Ce qui fait dire à Prisme que les 1008 militaires français graciés (hors contumaces) au cours du conflit l’ont été parce que la « Guerre » l’a voulu. Ce cas illustre parfaitement nos propos.

-38 peines de 10 à 20 ans de prison ou de détention (pour 4 d’entre elles). La plupart de ces militaires ont été libérés entre décembre 1921 et mars 1927 sauf deux qui ont mis fin à leurs jours après les jugements contradictoires.

-3 peines de 1 à 9 ans de prison. Cinq ans de prison pour le 1er militaire qui a été libéré le 14/12/1921, huit ans de travaux publics pour le 2e militaire qui a été élargi le 28/07/1921. Huit ans de prison pour le 3e militaire, évadé de son camp de prisonniers, après la commutation de la peine de mort 8 ans de prison, il a été versé au 175e régiment d’infanterie ce qui signifie que sa peine a été suspendue.

-8 militaires étaient en fuite.

-3 militaires ont refusé de rentrer en France dont un décédé en 1953 en Allemagne, condamné à mort le 06/12/1921 pour intelligences avec l’ennemi.

-1 de ces jugements a été cassé sans renvoi par la Cour de Cassation par arrêt du 18/06/1921. Le militaire en question a été réformé définitivement par la commission de réforme de Nantes le 28/05/1920 pour aliénation mentale.

-4 ont été acquittés.

Le 1er d’entre-eux est le soldat C.....(2) Gaston. Son histoire est racontée par le journal du Cher. Ce militaire est un cultivateur de l’Orne, qui, en décembre 1915, avec le 292e régiment d’infanterie, tenait la position dite de la « Tuilerie » dans le secteur de Soissons. Le 11 décembre, le fantassin se présentait, vers 9 heures du matin, à un guetteur d’avant-poste, en lui disant de le laisser passer parce qu’il avait mission du colonel de se rendre dans une maison dite la boulangerie, située entre les tranchées françaises et boches, pour savoir si elle était occupée par l’ennemi. Bien que C.....(2) fût sans arme et que cette mission parût douteuse au guetteur, celui-ci le laissa franchir le parapet. C.....(2) ne revint pas. Avait-il déserté ou bien avait-il été fait prisonnier pendant qu’il cherchait à accomplir sa prétendue mission ? Le conseil de guerre de la 63e division n’hésita pas à reconnaître le réserviste déserteur et le condamna à mort par contumace. C.....(2), à son retour de captivité, fut traduit devant le conseil de guerre du 13e corps, pour y être jugé à nouveau. Les juges de Clermont-Ferrand le déclarèrent à la majorité coupable de désertion à l’ennemi sans circonstances atténuantes. La peine de mort devait donc être appliquée et elle le fut en effet, mais non à l’unanimité. Comme le veut la jurisprudence et le code, les juges ayant voté pour l’admission des circonstances atténuantes s’étant déclarés ensuite contre la peine capitale. Le jugement de Clermont, soumis au conseil de révision de Bordeaux fut annulé et le dossier renvoyé devant le conseil de guerre du 12e Corps qui n’avait qu’à se prononcer, sans débat, sur l’application de la peine. Mais à Limoges, il se trouva qu’un des juges ne voulant pas condamner un homme sans l’avoir jugé, se récusa. Si bien que la nouvelle condamnation à mort (la 3e) prononcée contre C......(2) ne réunit que six voix. Ce n’était donc pas encore l’unanimité. Cette fois, la Cour de Cassation, saisie du fait, décida d’annuler toute la procédure et renvoya l’affaire devant le conseil du 8e Corps pour qu’elle soit jugée à nouveau en son entier. C......(2) est donc appelé à s’expliquer encore une fois sur les causes de sa disparition du front. Il affirme avec force que jamais ne lui est venue l’idée de déserter. Au contraire, il fut victime de sa témérité et de son désir de bien faire. Des ordres avaient été donnés de faire des prisonniers et, pour encourager des initiatives, on avait promis aux hommes qui en feraient des permissions et des primes. C’est pour tâcher de surprendre quelque boche et de le ramener dans nos lignes que C......(2) s’aventure entre les tranchées ; malheureusement, il tomba au milieu d’un groupe d’ennemis qui le mirent dans l’impossibilité de se servir des grenades qu’il avait dans ses poches et l’emmenèrent. Cette version n’apparaît pas comme très vraisemblable ; cependant, la conduite antérieure de l’accusé, qui étant affecté tout d’abord au train des équipages, avait sollicité lui-même de passer dans l’infanterie, permet de croire à la sincérité de sa déclaration. A la minorité de faveur, C.....(2) est acquitté.

A la lecture de cet article, nous remarquons que la justice militaire a fonctionné correctement puisqu’elle a, par 2 fois, annulé un jugement. Il faut reformuler l’article 73 du code de justice militaire : les conseils de révision ne connaissent pas du fond des affaires. Ils ne jugent que sur la « forme ». Par exemple, il suffit qu’un membre d’un conseil de guerre n’ai pas l’âge requis ou que le nombre de voix pour ou contre un jugement ne soit pas mentionné pour casser ledit jugement. Autre cause connue de jugement contradictoire cassé est la non application de l’article 180 du code de justice militaire qui concerne la reconnaissance de l’inculpé, si cette reconnaissance n’est pas faite, le jugement est cassé.

Cet article de presse comporte des erreurs. En effet, en application de l’alinéa 4 de l’article 156 du code de justice militaire : les questions indiquées à l’article 132 sont résolues et la peine est prononcée, à la majorité de 5 voix contre 2 ou 3 voix contre 2 selon que le conseil de guerre est composé de 7 juges ou seulement de 5. Par conséquent, et contrairement à ce qu’affirme le journaliste, les 2 jugements n’ont pu être cassés pour un manque d’unanimité des juges sur ce point. C’est un autre motif qui en est la cause, peut-être un manque d’unanimité sur les circonstances atténuantes qui, elles, doivent être prises à l’unanimité des juges.

Quant au récit présenté par C.....(2) Gaston ou tel qu’il est formulé pour le journaliste, à savoir capturer et ramener dans les lignes françaises un ou des soldats allemands seul, sans arme de poing avec seulement des grenades…., c’est plus qu’osé mais l’affaire est jugée.

-3 militaires ont été fusillés dont Pierre évoqué précédemment, Saumureau et Brahim Ben Ahmed décrits ci-après.

Dans l’état actuel des recherches, par rapport à l’ensemble des condamnations à mort par contumace relevées par Prisme, les jugements contradictoires qui se sont conclus par une nouvelle condamnation à mort représentent 10% dont trois se sont soldées par une exécution.

B-Ensemble des jugements contradictoires :

A l’issue de la recherche de ces jugements contradictoires, Prisme a établi des statistiques non exhaustives.

Au bilan, en prenant en compte :

- les jugements cassés qui font l’objet de nouveaux jugements contradictoires

- les jugements ayant fait l’objet d’une grâce présidentielle

En ne prenant pas en compte :

-les jugements par contumace ou contradictoires concernant des faits survenus en Allemagne pendant la détention par des militaires français soupçonnés d’intelligence avec l’ennemi ou de mauvaises actions vis-à-vis de leurs condisciples comme cela a été le cas pour le soldat Huchet.

- les 99 jugements pour lesquels, à ce jour, nous n’avons pas retrouvé la peine prononcée. A noter que 34 de ces militaires sont des non européens. A noter également que cette proportion de jugements inconnus sera amenée à se réduire quand l’accès aux informations du dépôt central de la Justice militaire sera de nouveau possible et ce malgré la bonne volonté du personnel du DCAJM.

Pour les 657 jugements contradictoires retrouvés soit plus de 86,9% des 756 cas connus, on dénombre :

-3 militaires condamnés à mort qui ont été fusillés soit 0,5% du panel des jugements connus. Le 1er cas concerne le soldat Pierre Julien évoqué précédemment.

Le 2e cas concerne Brahim ben Ahmed du 2e régiment de tirailleurs marocains condamné à mort le 16/01/1920. C’est un des cas pour lesquels nous n’avons pas encore retrouvé le jugement par contumace mais qui nous est connu par le recours en grâce et par son jugement contradictoire.

Brahim Ben Ahmed était accusé d’avoir le 2 juin 1918, avec un autre soldat, au Mont sans Nom, en Champagne, déserté à l’ennemi, étant en sentinelle avec la circonstance aggravante d’avoir donné aux Allemands les indications nécessaires pour opérer le lendemain, 21 juin 1918, un coup de main à l’endroit même où il se trouvait la veille en sentinelle. Rapatrié en France en janvier 1919, dirigé vers son corps, il fut reconnu puis traduit devant le 1er conseil de guerre des troupes d’occupation du Maroc occidental qui l’a condamné le 16 janvier 1920 à l’unanimité à la peine de mort. Brahim Ben Ahmed contesta cette version, il soutenait avoir été enlevé par des Allemands déguisés en soldats français. Pour le témoin, cette version est fallacieuse.

Le recours en révision de Brahim Ben Ahmed ayant été rejeté le 06/02/1920 par le conseil de révision de Casablanca, son dossier de procédure a été automatiquement adressé au Président de la République pour un recours en grâce en passant par le circuit habituel, c’est-à-dire la direction du contentieux du ministère de la guerre puis par la direction des grâces et des affaires criminelles du ministère de la justice.

Le Ministre de la Guerre a proposé de laisser la justice suivre son cours. Le Garde des Sceaux a adhéré à cette proposition. Enfin, le Président de la République, en réponse à la lettre du Ministre de la guerre du 12 avril 1920, n’a pas cru devoir accueillir le recours en grâce de Brahim Ben Ahmed qui a été passé par les armes à El Hank près de Casablanca le 28 avril 1920.

Le 3e cas concerne le soldat Saumureau. Cette affaire est un peu plus « sombre » que ce l’on peut voir sur les seuls éléments restants, consultables sur Mémoire des Hommes.

Ce militaire appartenait au 166e régiment d’infanterie. Cette unité occupait le sous-secteur de Riaville dans la Meuse jusqu’au 28 septembre puis dans le sous-secteur de Mouilly, les nuits « calmes » à fusillade modérée succèdent aux nuits « agitées » avec des tirs d’obus, les pertes y sont modérées surtout en mai, juin. Retiré du front entre le 3 décembre 1915 et le 9 janvier 1916, le 166e RI est positionné aux Eparges. Les pertes y sont beaucoup plus sévères surtout fin février et début mars. Le 12 mars 1916, tous les régiments de la 132e Division sont mis en réserve. Le 4 avril, le 166e RI remontait en ligne dans un secteur concerné par les attaques françaises du 22 mai et du 4 au 8 septembre (bataille de la Somme), vingt jours avant les faits impliquant Saumureau.

Militaire de la classe 1907, ce soldat a fait l’objet des plusieurs condamnations avant le conflit dont une pour menace de mort. Engagé volontaire en octobre 1914, passé en mai 1915 au 166e régiment d’infanterie, Saumureau était écroué le 24 septembre 1916 à la prison prévôtale de la 132e division.

La synthèse de la direction des grâces et des affaires criminelles du Ministère de la Justice nous éclaire sur le motif de son incarcération : Dans un cantonnement, pour un motif peu important, le soldat Saumureau injurie grossièrement le sergent Sarda. Celui-ci allant rendre compte au Commandant de compagnie, Saumureau le suivit armé d’un grand couteau et le frappa d’un violent coup de poing en présence de l’officier. Averti qu’une plainte en conseil de guerre allait être déposée conte lui, il s’arma de son pistolet et se rendit auprès du sergent. A peine en présence de ce dernier, il tira par deux fois sur lui et lui fit une grave blessure à la cuisse. Désarmé et arrêté, il s’évada, se réfugia à Marseille où il commit un meurtre qui a motivé contre lui une condamnation aux travaux forcés à perpétuité.

Evadé le 20 octobre 1916, Saumureau a été condamné à mort le 11 janvier 1917 par contumace par le conseil de guerre de la 132e division pour voies de fait envers un supérieur pendant le service et tentative d’homicide volontaire avec préméditation sur la personne du sergent Sarda. Rappelons que d’après l’article 202 du code de justice militaire, les articles 2, 3, 56, 60 à 65 du code pénal ordinaire, relatifs à la tentative de crime ou de délit sont applicables devant les tribunaux militaires. Ce qui signifie que la tentative est punie comme le crime ou le délit. L’article 2 du code pénal mentionnant : toute tentative de crime qui aura été manifestée par un commencement d’exécution, si elle n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de son auteur, est considéré comme le crime lui-même.

Pendant sa cavale, Saumureau a de nouveau maille à partir avec la justice. Le 19 janvier 1918, à Marseille, après une rixe, Saumureau tira sur 3 clients du bar d’un hôtel, rue des Petites-Mairies et tua l’un d’eux. Arrêté le 23 janvier, il fut condamné le 8 juin 1918 par la Cour d’Assises des Bouches du Rhône aux travaux forcés à perpétuité. Selon « Le Petit Provençal du 8 juin 1918, lors de l’audience, le substitut Rol avait été très clair : il faut en débarrasser la société et l’abattre comme un chien enragé.

Saumureau a été remis à l’autorité militaire pour y être jugé pour les faits de septembre 1916.

Le 7 octobre 1919, Saumureau était traduit devant le conseil de guerre de la 4e Région Militaire pour y être contradictoirement jugé pour les voies de fait et pour la tentative d’homicide volontaire avec préméditation exercées le 24 septembre 1916 sur la personne du sergent Sarda.

Le conflit terminé, une partie des divisions ont été dissoutes, Saumureau a donc été jugé par un conseil de guerre permanent au siège d’une région militaire. Ce conseil de guerre était donc composé de 7 juges.

Après la reconnaissance de l’accusé, après la lecture des dépositions des témoins, après le réquisitoire du commissaire du gouvernement, après la plaidoirie de son défenseur, les juges ont reconnu Saumureau coupable :

1-d’avoir le 24 septembre 1916 au cantonnement de Saulchoy (Somme) exercé volontairement des voies de fait sur la personne du sergent Sarda.

2-d’avoir exercé ces voies de fait pendant le service.

3-d’avoir commis un homicide volontaire sur la personne du sergent Sarda, laquelle tentative manifestée par un commencement d’exécution n’a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

4-à la majorité de six voix contre une, les juges ont considéré que la tentative d’homicide volontaire a eu lieu avec préméditation.

A la majorité, les juges ont considéré qu’il n’existait pas de circonstances atténuantes.

D’après la synthèse de la direction des grâces et des affaires criminelles du Ministère de la Justice, l’attitude de Saumureau lors de l’audience du conseil de guerre a été très défavorable. Il n’a manifesté aucun regret. Saumureau a été signalé comme un esprit tourné vers la révolte et hostile à toute autorité.

Comme la loi le lui permet, le défenseur de Saumureau s’est pourvu en révision. Le 31 octobre 1919, le conseil de révision du Gouvernement militaire de Paris s’était réuni pour statuer sur le recours en révision présenté par l’avocat de Saumureau.

Mais attendu que le condamné n’a présenté aucun moyen à l’appui de son recours et attendu que le conseil de guerre était composé conformément à la loi, qu’il était compétent, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants ; par ces motifs, le recours formé par le condamné a été rejeté.

Comme le décret du 20 avril 1917 le prévoit, comme tous les dossiers de condamnés à mort, celui de Saumureau a été automatiquement adressé au Président de la République.

L’intention de la Direction du contentieux du Ministère de la Guerre était de laisser la justice suivre son cours. Comme on peut le voir ci-dessous et comme dans la très grande majorité des cas, le Ministère de la Justice a suivi cet avis.

Dans sa réponse au Ministre de la Justice, le sous-secrétaire de la Justice Militaire a indiqué que :

Le 3 janvier 1920 à 7 heures 45, sur la butte de tir de Pontlieue à côté du Mans [à l’époque], après la lecture de la décision du Président de la République notifié par le sous-secrétaire d’Etat de la justice militaire, la vie du soldat Saumureau a pris fin.

D’après le journal « La Lanterne » du 4 janvier 1920 qui relate l’exécution de ce militaire, Saumureau aurait dit à ses gardiens après sa condamnation à mort : j’aurai encore le temps d’en descendre un avant d’aller au poteau. Ses dernières paroles auraient été : A bas la France ! Vive l’Allemagne !

-30 militaires condamnés aux travaux forcés à perpétuité soit 4,6%

Voici un de ces cas, celui du soldat V.....(2) Albert :

Le 14 mai 1918, la Cie était en secteur et occupait le PA de la ferme du Mont-Renaud (Oise). Le soldat V.....(2), de la 1ère section, qui était en ligne, occupait comme guetteur son poste de grenadier. Il avait comme camarade de combat le soldat R......(2). Vers 1h30, le gradé de quart de la demi-section, le caporal Vanclemputte, interpella en passant les 2 guetteurs qui étaient bien à leur poste. Ils ne manifestèrent rien d’anormal. Après avoir parcouru le reste de la tranchée tenue par cette demi-section, le gradé de quart revint vers les guetteurs et constata leur disparition. D’après l’enquête faite, ces deux hommes avaient prémédité leur départ ensemble ; ils avaient mangé leurs vivres du lendemain et emporté leurs vivres de réserve. Le soldat V.....(2) était depuis longtemps à la Cie. Rien dans sa conduite jusqu’à ce jour, ne laissait prévoir cette faute. Ce soldat faisait son service mais avait un caractère sournois et un esprit douteux. Sans antécédent militaire, d’une intelligence moyenne, il avait obtenu la croix de guerre pour sa conduite dans l’exécution d’un coup de main. En conséquence, le lieutenant commandant la Cie a l’honneur de demander que le soldat V.....(2) soit traduit en conseil de guerre par application de l’article 211 du code de justice militaire pour abandon de poste étant en faction en présence de l’ennemi. Les témoins sont l’adjudant Leygue Louis et le caporal Vanclemputte Marcel.

Le lieutenant Thinet

Le lieutenant Thinet ne s’était pas trompé d’article, l’abandon de poste étant en faction en présence de l’ennemi est bien sanctionné par l’article 211 du code justice militaire. Le 03/09/1918, après une procédure d’instruction très classique (dépôt de plainte, enquête de gendarmerie dans la famille de ce militaire ayant permis de trouver 2 cartes envoyées depuis un camp de prisonniers en Allemagne), le conseil de guerre de la 72e division a condamné à la peine de mort par contumace le soldat V.....(2) pour désertion à l’ennemi et abandon de poste, étant en faction, en présence de l’ennemi. Le soldat R.....(2) a été condamné le même jour, à la même peine. Bien entendu, en application de l’article 176 du code de justice militaire, ces jugements ont été adressés aux directeurs de l’enregistrement et des domaines de l’Allier, du Nord et affichés sur les portes des mairies des lieux de résidence de ces soldats.

Le 11/12/1918, informés par la rumeur publique, les gendarmes de la brigade de Bourbon l’Archambault procédèrent à des recherches pour retrouver le soldat V.....(2) qui s’est présenté de lui-même à la caserne avec son père vers 12 heures. Il expliqua que le jour de l’armistice, les gardiens du camp d’Andenne en Belgique, l’ayant laissé libre, il était revenu par ses propres moyens jusqu’à la caserne du 36e d’artillerie où, la veille, on lui a donné des effets et une permission, pour aller voir ses parents à Bourbon l’Archambault. Le 18/12/1918, ce militaire a été transféré à l’état-major de la 72e division pour y être écroué dans les locaux de la prévôté en attente de son jugement.

Identiquement à l‘affaire du soldat D.....(2) relatée ci-dessus, la procédure était relancée. Le 21/01/1919, le général Montérou ordonnait la convocation du conseil de guerre de la 72e division pour statuer, en audience publique, s’il y a identité entre le militaire incarcéré et l’individu condamné sous le même nom, convocation pour le 27 janvier 1919 à 14 heures dans la salle de la mairie d’Hondschoote (Nord) et pour juger sur le fond. Après la lecture des pièces du dossier, 2 témoins ont été auditionnés après la prestation de serment :

Le capitaine Thinet : le 13 mai au soir, V.....(2) et R......(2) ont été commandés pour le ravitaillement de l’escouade. Aussitôt après, ils devaient prendre place dans la tranchée au poste de guetteurs, le caporal Vanclemputte les envoya prendre leur faction, constata leur présence au cours d’une première ronde et un quart d’heure plus tard, en repassant, constata qu’ils n’y étaient plus. On me rendit compte. Les 2 hommes étaient partis après avoir bu une partie du vin de l’escouade. Je crus d’abord qu’ils avaient déserté à l’intérieur, en raison des difficultés de passage à l’ennemi mais le lendemain, au jour, les équipements de V.....(2) et R......(2) furent retrouvés dans un trou de torpille près des réseaux et des empreintes de genoux furent constatés sur le parapet de la tranchée. Le réseau ne présentait aucune chicane, et aucun passage n’y avait été pratiqué. Les postes voisins n’avaient rien entendu. La nuit était assez claire. Il n’eut pas été possible qu’un coup de main ennemi eut lieu, sans que l’alerte fût donnée.

Le soldat Dalmeyrac : V.....(2) était venu au ravitaillement avec moi, j’étais guetteur dans un poste voisin à moins de 30 mètres du sien. Si les boches étaient venus, on les aurait forcément entendus. Le réseau ne présentait aucun passage, on pouvait évidemment passer par-dessus à la condition de ne pas éveiller l’attention, moins facilement par-dessous. J’appartiens à la classe 1918 ; je ne connaissais pas beaucoup V.....(2).

A l’issue du conseil de guerre, le soldat V.....(2) a été condamné aux travaux publics à perpétuité et à la dégradation militaire par application des articles 238 et 211 du code de justice militaire. Les circonstances atténuantes ont été admises en sa faveur.

Ecroué au dépôt des forçats de St Martin de Ré, le soldat V..... (2) Albert, amnistié par la loi du 24/10/1919 a été libéré suite à la remise du restant de la peine accordée par ladite loi.

Autre cas évoqué par le Télégramme des Vosges concernant un conseil de guerre de la 21e Région militaire.

Désertion à l’ennemi. Le soldat M.....(2) Antoine, du 367e RI, originaire de Moulins sur Allier, et accusé d’avoir passé volontairement à l’ennemi dans les circonstances suivantes : Le 7 janvier 1917, la compagnie du 367e RI, dont faisait partie M......(2), tenait le secteur de Vého, dit « des Entonnoirs », sur le front de Lorraine. Après la relève de la section à laquelle appartenaient les nommés M......(2), M.....(2) et G.....(2), on constatait leur disparition et aussitôt la conviction était établie qu’ils avaient filé chez les boches. En effet, le 12 janvier, c’est-à-dire 5 jours après, M.......(2) pouvait envoyer une lettre à ses parents, leur apprenant qu’il était prisonnier, ajoutant qu’il était très bien et ne manquait de rien. Ce qui tendait à établir la désertion, ce sont des propos très compromettants tenus par G....., qui semble bien être le moins intéressant du trio. Les trois inculpés ont été condamnés par le conseil de guerre de la 13e division à la peine de mort par contumace. L’accusé M......(2) étant rentré en France à l’armistice, et s’étant présenté volontairement à son dépôt à Paray le Monial, l’affaire a été appelée devant le conseil de guerre de la 21e Région. Les débats n’apportent rien de nouveau et les témoins appelés ne font que confirmer leurs dépositions. Le commissaire du gouvernement, dans son réquisitoire, tout en demandant une punition exemplaire, ne s’oppose pas à l’admission des circonstances atténuantes. Me Chain qui présente la défense, sort pour une fois de son calme habituel, et a des accents véhéments pour détruire l’accusation et montrer son client comme un bon et brave soldat, incapable d’une telle lâcheté. L’éloquent défenseur fait au « télégramme » l’honneur d’en lire un article relatant l’acquittement des soldats du 149e inculpés de désertion à l’ennemi, article qui a paru dans notre numéro d’hier. Le conseil n’a pas cru devoir admettre sa thèse, car, après un quart d’heure de délibération, il rentrait rapportant son verdict de culpabilité avec admission des circonstances atténuantes. En conséquence, par 6 voix contre 1, M......(2) est condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation militaire.

Epilogue de cette histoire : la peine de M......(2) Antoine a été commuée en 20 ans de travaux forcés par décret du 22/07/1920. Cette nouvelle peine a été commuée en 15 ans de détention par décret du 29/12/1921. Affecté à une section d’exclus métropolitains, il a eu une remise de 5 ans de détention par décret du 21/11/1922 puis une 2e remise de 3 ans et 6 mois par décret du 31/05/1924. Enfin, M......(2) a eu une 3e remise de peine de 6 mois par décret du 15/12/1924 avant d’être élargi le 29/12/1924 de la maison centrale de Clairvaux.

G.....(2) Albert, condamné à la même peine, a eu sa peine commuée en 20 ans de travaux forcés par décret du 13/12/1921. Exclu colonial, il a eu sa peine commuée en 20 ans de réclusion le 31/10/1923. Devenu exclu métropolitain, ce militaire a eu une 1ère remise de peine de 8 ans par décret du 16/07/1924 puis une seconde de 7 ans par décret du 19/05/1925. Ce soldat a été libéré le 03/09/1925.

Cet exemple est très représentatif de ce processus de réduction progressive des peines que l’on retrouve dans une grande majorité des cas condamnés à de lourdes peines.

Quant à M.....(2) Jean, il est décédé le 25/09/1921 à Weissenfels en Allemagne.

Bien évidemment, comme on le constate fréquemment, ces peines n’ont pas été appliquées. Transformées par décret ministériel en travaux forcés à temps, ces peines ont été réduites par le biais des remises successives. Ces militaires ont généralement été libérés entre mai 1923 et janvier 1927.

C’est, par exemple, le cas d’A.....(2) Antoine Alexandre libéré en 02/1925, de B.....(2) André Emile en 01/1925, de C......(2) Camille en 10/1925, de D.....(2) Henry en 12/1925, de F.....(2) René en 05/1926, de G....(2) Richard en 11/1924, de G.....(2) Auguste en 04/1925, de H......(2) Achille en 05/1923, de M.... (2) Jean Pierre en 12/1925, de V......(2) François en 05/1925. Parmi tous ces condamnés, un est décédé en prison, il s’agit du soldat D.....(2) Alphonse François Joseph décédé en 03/1922 à la centrale de Poissy.

-117 militaires condamnés à des peines de 10 à 20 ans de prison, de détention ou de travaux forcés soit 17,8%

Dans la soirée du 19 mars 1916, les soldats Dumont et Guintrand, commandés pour prendre la garde au poste d’écoute, s’y rendirent pour relever les deux sentinelles. Ils trouvèrent le poste vide, les deux sentinelles avaient disparu, ayant abandonné leurs fusils, leurs équipements et leurs musettes. Une patrouille fut envoyée en avant du poste d’écoute pour rechercher les deux disparus, sans résultat. Les effets restants appartenaient bien à ces deux militaires. Auditions des témoins, dépôt d’une plainte, instruction du dossier, une affaire très classique qui aboutit à la tenue d’un conseil de guerre convoqué pour le 04 mai 1916.

Les soldats T.....(2) André Louis et D.....(2) Pierre Jean ont été déclarés coupables d’abandon de poste en présence de l’ennemi et de désertion à l’ennemi et ont été condamnés par contumace à la peine de mort avec dégradation militaire par application des articles 213, 238 et 135 du code de justice militaire.

De par l’article 139 dudit code, D.....(2) Pierre Jean était tenu à rembourser solidairement avec T.....(2) André Louis, sur ses biens présents et à venir au profit du trésor public, le montant des frais du jugement soit 25 francs 10 centimes pour T.....(2) André Louis et 12 francs 55 centimes pour D.....(2) Pierre Jean.

La guerre finie, la grande majorité des soldats rentrent en France. Pour ces contumaces, c’est un autre « périple » qui commence.

Le 9 mai, c’est au tour du soldat T.....(2) André Louis d’être identifié. Ces 2 militaires ont été dirigés vers le conseil de guerre de la 29e division pour la reconnaissance d’identité et pour y être jugés contradictoirement.

Les soldats Dumont et Guintrand avaient été auditionnés le 12/04/1916 par le commissaire-rapporteur de la 29e division. Au cours de ces auditions, Dumont avait déclaré : il ne me paraît pas possible que T.....(2) André et D.....(2) Pierre aient été faits prisonniers par une patrouille allemande car on n’aurait pas retrouvé leurs fusils. D’autre part, comme je l’ai dit tout à l’heure, T.....(2) André et D.....(2) Pierre avaient été désignés comme travailleurs, ils n’avaient rien à faire au poste d’écoute.

Les 2 accusés étaient considérés comme de bons soldats sans condamnation antérieure. Ils ont été interrogés à plusieurs reprises les 01/04 et 03/06/1919 par le commissaire-rapporteur.

Jacques Talon, avocat à la Cour de Paris, était leur défenseur.

A l’audience, les 2 accusés ont réaffirmé leur innocence :


Le commissaire-rapporteur n’était pas convaincu par les déclarations des 2 accusés : comment pourrait-on admettre, que ces deux hommes, familiarisés avec les difficultés de la guerre des tranchées, prévenus qu’ils pourraient peut-être rencontrer sur leur route, avant même qu’ils aient pu gagner le poste d’écoute, une patrouille ennemie, se soient ainsi laissés approcher par deux ennemis, avançant debout et devant nos propres lignes d’où on eût pu les apercevoir ? Car il faut, en effet, remarquer que les 2 allemands lorsqu’ils ont « agressé » T.....(2) André et D.....(2) Pierre étaient placés entre le petit poste à flanc de coteau et nos lignes établies sur la crète. T.....(2) André et D.....(2) Pierre ne nous disent incontestablement pas la vérité.

Le 9 juin 1919, le conseil de guerre de la 29e division a condamné ces 2 militaires à 10 ans de travaux forcés. Statuant sur le pourvoi en révision de ces soldats, le conseil de révision de la 10e Armée l’a déclaré irrecevable.

Par un décret du 26 janvier 1920, le restant de la peine de D.....(2) Pierre Jean a été commuée en prison. Le 24 juillet 1921, il a obtenu une remise de peine d’une année puis une remise de 4 ans le 30/11/1922. Ecroué à la maison centrale de Poissy, il a été libéré conditionnellement le 13/07/1923.

Le restant de la peine de T.....(2) André Louis a également été commuée en prison le 26/01/1920. Ecroué à la maison centrale de Nîmes, il a obtenu une 1ère remise d’un an de prison le 12/01/1922 puis une autre remise de 4 ans de prison le 18/11/1922 et a été libéré conditionnellement le 25 /04/1924.

Une très grande majorité de ces militaires a été libérée entre 1924/1925 : B.....(2) Jean en 06/1924, B.....(2) Gustave Emile en 10/1925 pour un jugement en 05/1923, V....(2) Léopold en 07/1923, P.....(2) Léopold Julien en 02/1924. Plusieurs de ces condamnés, sont décédés en prison, c’est le cas du soldat T.......(2) Albert décédé en 06/1921 à la centrale de Poissy, du soldat D......(2) Pierre Henri décédé en 02/1920 à la maison d’arrêt d’Orléans.

-116 militaires condamnés à des peines de 1 à 9 ans de prison, de travaux publics ou de travaux forcés soit presque 17,7%

Pour les militaires, les libérations se sont faites entre 1919 et 1921 comme F...(2) Ernest Désiré en 04/1919, B.....(2) Joseph Marie en 12/1921 et quelques-unes plus tardives comme K....(2) Louis René en 02/1925 pour un jugement en 05/1923, I.....(2) François Marie en 12/1926 pour un jugement en 08/1923.

Parmi cette catégorie, sont rangés 22 des 26 militaires de la 6e compagnie du 72e régiment d’infanterie condamnés le 19/12/1919 par le conseil de guerre permanent de la 2e Région militaire pour désertion à l’ennemi. Présentés sur les fiches de matricule soit comme prisonniers soit comme déserteurs le 30 juin 1917, ces 26 militaires ont été inculpés dans un rapport d’un officier au retour de captivité. Le JMO de cette unité ne mentionne aucune disparition de cette ampleur. Les libérations de ces militaires condamnés s’échelonnent entre décembre 1920 et septembre 1922.

-3 militaires condamnés à une peine de moins d’un an soit 0,5%

-10 militaires décédés en captivité déclarés N-MPLF soit 1,7%

Parmi cette catégorie, on trouve deux militaires dont la fiche de N-MPLF mentionne la désertion à l’ennemi, deux blessés en se rendant, un décédé suite à maladie, deux enterrés en Allemagne et un dont la fiche de matricule, sur l’extrait ci-dessous, mentionne d’une part sa condamnation à mort par le conseil de guerre de la 60e division dans sa séance du 25/03/1916 pour désertion à l’ennemi et d’autre part cette phrase écrite en rouge : la mention « mort pour la France ne doit pas être mise ». Pourtant, sur le site Mémoire des Hommes, ce militaire est considéré comme MPLF ayant été tué à l’ennemi à la suite d’un jugement déclaratif du 15/02/1922 du tribunal de Marseille.

-24 militaires en fuite soit 3,7%

Au-delà de leur disparition, nous ignorons le destin de ces militaires. L’histoire de l’un d’entre-eux n’est pas sans rappeler, par certains aspects, celle du soldat Le Parc que Prisme avait relaté dans l’article précédent.

Selon le rapport du capitaine Colas commandant la 4e compagnie du 173e régiment d’infanterie : le 6 juillet 1915, à 3h30, le soldat Cammas Ludovic travaillant à l’antenne terminée par le barrage C (voir schéma ci-dessous), aperçut un soldat français équipé, qui, au pas de course fuyait vers les lignes ennemies. L’apparition fut si rapide que le soldat Cammas n’eut pas le temps, avant de se rendre compte de ce qui se passait, de saisir son arme pour faire feu sur le fuyard. Ce dernier, sur lequel les Allemands tirèrent 3 ou 4 coups de fusil, rejoignit en un instant les lignes allemandes distantes d’une quinzaine de mètres. Il ne parait pas qu’il ait été atteint par les balles ennemies. Un appel fait aussitôt dans la section de l’adjudant Borel et dans celle de l’adjudant Domenc section voisine du point où l’évasion s’était produite, fit constater la disparition du soldat C.......(2) Louis.

Appelé à statuer sur le sort de ce militaire le 10 novembre 1915 à Mailly dans la Marne, le conseil de guerre de la 126e division a condamné à mort par contumace et à la dégradation militaire ce militaire.

Après-guerre, à la demande de l’épouse, du fils et de la famille de ce militaire, plusieurs Cours furent appelées à statuer sur la révision de ce jugement. En théorie, selon l’article 177 du code justice militaire, un jugement par contumace ne peut pas faire l’objet d’une révision contrairement au jugement contradictoire mais le soldat C......(2) Louis n’était toujours pas réapparu. Néanmoins, la très accommodante Cour spéciale de justice militaire accepta, le 4 novembre 1933, la recevabilité de la requête de la famille. Sur le fond, cette Cour déclara : attendu que la décision de rejet en reformation par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation est basée sur la coïncidence entre le fait de désertion et la constatation de la disparition de C........(2) Louis, la circonstance que celui-ci n’a pas donné de ses nouvelles depuis le jour de la désertion permettant de conclure seulement à son décès sans qu’il soit établi qu’il était mort au moment où il a été condamné et attendu qu’il n’est produit devant la Cour spéciale de Justice, aucun autre élément modifiant l’état des faits ayant motivé la condamnation et qu’en cet état ; la décision de rejet ne peut qu’être maintenue.

La Cour a donc rejeté la requête présentée, suivant en cela la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation qui, le 25 janvier 1925 déclarait :

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation argumentait que d’après les informations recueillies dans l’instruction supplémentaire diligentée, il n’était pas possible que C......(2) Louis ait été tué antérieurement au 6 juillet 1915. La Cour soulignait : qu’il n’a pas donné de ses nouvelles à sa famille depuis le jour de sa désertion, il n’est pas permis de conclure qu’il ait cessé de vivre, rien n’établit qu’il était mort au moment où il a été condamné.

La mère de C......(2) Louis pensait que son fils était mort mais elle ne peut le prouver et l’instruction supplémentaire n’a pas pu également le prouver. Comme pour le soldat Le Parc, le commissaire-rapporteur de la 126e division, ignorant le sort de C.......(2) Louis, devait lancer la procédure de mise en jugement de ce soldat pour désertion à l’ennemi. Dans le dossier de procédure, dans la fiche de matricule ou dans d’autres documents administratifs, rien n’indique ce qu’est devenu ce soldat.

Quand nous aurons plus d’informations sur ces cas, il est probable que cette catégorie se répartira entre des refus de rentrer, la prescription de la peine ou des peines diverses. Ventilés dans d’autres catégories, le nombre de ces cas n’est de nature à modifier notablement les statistiques actuelles.

-35 militaires qui ont refusé de rentrer en France soit 12%

Parmi ces dossiers, la mention « prescription de la peine » apparaît. Selon l’alinéa 1 de l’article 643 du code d’instruction criminelle en vigueur durant le conflit, la prescription de la peine est un moyen consacré par la loi pour rendre sans effet les condamnations émanées des tribunaux. Elle n’éteint pas le crime et ne fait pas présumer l’innocence ; elle fait seulement que le condamné ne peut plus être puni ; mais elle ne réintègre pas le condamné dans ses droits civils pour l’avenir et ne fait pas cesser les incapacités qui résultent de la condamnation, sans infliger sur la personne, telles que la mort civile, la dégradation civique, etc. Elle n’éteint que les condamnations pénales mais non les condamnations civiles. En matière criminelle, les peines portées par les jugements rendus par contumace se prescrivent par le même laps de temps que celles portées par les jugements contradictoires et la prescription court du jour de la condamnation au profit des condamnés par contumace, comme les condamnés contradictoirement. Selon l’article 635 du code d’instruction criminelle, les peines portées par les arrêts et jugements rendus en matière criminelle se prescriront par vingt années révolues à compter de la date des arrêts ou jugements.

De par l’article 184 du code de justice militaire, les dispositions du chapitre 5 du titre II du code d’instruction criminelle, relatives à la prescription, sont applicables à l’action publique résultant d’un crime ou d’un délit de la compétence des juridictions militaires, ainsi qu’aux peines résultant des jugements rendus par ces tribunaux. C’est ce que rappelait la dépêche n°13.392 JM/2 en date du 4 août 1950 émanant du Ministre de la Défense Nationale qui prescrivait que dans les cas d’insoumission ou de désertion, il y avait lieu de faire application aux individus condamnés pour ces faits, des dispositions du droit commun, c’est-à-dire de celles prévues par les articles 635 et 636 du code d’instruction criminelle.

Ce qui signifie que les militaires condamnés à mort par contumace qui n’ont pas été jugés contradictoirement, ne pourront plus être punis à partir de la 20e année suivant leurs condamnations. Ils pourront, par exemple, rentrer en France sans aucune crainte.

C’est ainsi le cas du soldat B.....(2) Pierre Marie qui est revenu en France en 1950, la prescription de sa peine ayant eu lieu le 8 septembre 1937. Ce soldat avait été condamné le 08/09/1917 par le conseil de guerre de la 156e division pour désertion à l’ennemi, désertion survenue le 13/04/1917, B.....(2) Pierre Marie ayant laissé une enveloppe sur laquelle il expliquait son acte.

L’amnistie des peines est également une pratique très répandue mais elle a ses limites. L’historien Marc Olivier Baruch (3) l’évoque dans une affaire qui a opposé l’historienne Michèle Cotta et Jean Lousteau éditorialiste politique de Radio Paris durant la seconde guerre mondiale. S’estimant diffamé par le livre de l’historienne qui rappelait son sombre passé, condamné à mort, gracié puis amnistié, Lousteau l’avait attaquée en justice. La cour d’appel de Paris avait relaxé l’historienne au motif « que l’amnistie ne peut avoir pour conséquence d’effacer matériellement les faits qui se sont réellement produits. Leur rappel dans un ouvrage historique est donc à la fois licite et nécessaire ». Pour tous les condamnés amnistiés de 14/18, cela signifie que même si la peine ne sera que partiellement faite, la « faute » restera.

Dans son rapport du 15 septembre 1916, le général Pelletier de Woillemont commandant la 251e brigade évoquait un de ces cas, en l’occurrence il s’agit du soldat R......(2) Pierre Julien Isidore.

En effet, le 29 juin 1915, ce militaire avait déserté à l’intérieur. Condamné le 11 mai 1916 à 3 ans de travaux publics par le conseil de guerre de Marseille, sa peine a été (comme très souvent) suspendue. R......(2) Pierre a été renvoyé au 112e régiment d’infanterie. Un mois plus tard, le 14 juillet 1916, ce soldat déserta à nouveau avant d’être arrêté le 26 août à Marseille. Ramené au front le 11 septembre, affecté à la 1ère compagnie du 112e régiment d’infanterie, R......(2) Pierre déserta de nouveau le 13 septembre mais à l’ennemi cette fois. La nuit précédente, dès son arrivée, ce soldat s’était présenté au lieutenant Daumas (son commandant de compagnie) et avait demandé à se réhabiliter par sa bonne conduite.

Cette désertion à l’ennemi n’est pas restée sans suite pour l’encadrement de proximité. Le lieutenant Daumas qui s’était borné à recommander au sergent Ciais de surveiller tout particulièrement le soldat R......(2) Pierre alors que le passé de cet homme, lui imposait de prendre des mesures spéciales à son égard, tout au moins jusqu’à ce que Roussel(2) Pierre ait donné des preuves de la sincérité de son repentir et de son désir de racheter son passé, a été puni de 8 jours d’arrêt de rigueur.

A l’issue d’une instruction très classique, le conseil de guerre de la 126e division réunit à cette occasion, a condamné à l’unanimité des voix à la peine de mort avec dégradation militaire par application des articles 231, 232 et 238 du code de justice militaire.

Autre conséquence pour ce militaire par application de l’article 139 : le jugement qui prononce une peine contre l’accusé, le condamne aux frais envers l’Etat.

Ce jugement a été affiché sur la porte de la mairie de Vavincourt et sur la porte de la mairie du lieu de résidence de ce soldat : Marseille.

Ce jugement a également été envoyé à la direction générale de l’enregistrement, des domaines et du timbre pour mettre les biens actuels et à venir de ce militaire sous séquestre pour la somme de 12 francs et quatre-vingts centimes.

Après l’armistice, le capitaine Coradin, de la mission militaire française de recherche des disparus a donné à R......(2) Pierre l’ordre verbal de rentrer en France et a obtenu son émargement. Ce soldat dit regretter ce qu’il a fait et d’avoir agi sur un coup de tête mais il refuse de rentrer en France sachant par son frère qu’il était condamné à mort. Dans son rapport, le capitaine indiquait qu’au vu des regrets manifestés en sa présence par ce soldat, son cas était digne de bénéficier de l’indulgence des juges.

Le 17 décembre 1919, le sous-secrétaire de la Justice Militaire adressait un courrier au général commandant la 15e Région militaire pour lui indiquer que R.....(2) Pierre n’avait pas obéi à l’ordre formel à lui donné de rentrer en France.

Bien plus tard, le 23 août 1951, l’officier greffier du dépôt central d’archives de la justice militaire faisait remarquer au directeur régional du recrutement de la 9e région militaire, que le courrier adressé au gendre du soldat R......(2) Pierre domicilié à Mesvin les Mons en Belgique, lui signifiant que la prescription de la peine serait acquise au 1er juin 1956, était incorrecte. En effet, comme le prévoit l’article 635 d’instruction criminelle, la peine de ce militaire était prescrite depuis le 30 novembre 1936 soit 20 ans après la date du jugement.

D’autres militaires sont restés à l’étranger, certains y ont fait leur vie. C’est le cas de D.....(2) Pierre Marcel décédé en Allemagne en 1973, de V.....(2) Gilbert décédé à Liège en 1938, de V.....(2) Jean décédé à Liège en 1931. Un soldat est décédé en Argentine, un autre a demandé la naturalisation allemande.

-290 militaires acquittés soit 44,2% du panel connu.

Ces cas sont évidemment bien trop nombreux pour être tous évoqués. Comme pour les fusillés, en aucune manière, ces militaires ne constituent un monolithe mais une multitude de cas divers et variés. Leur seul point commun est d’avoir été condamné à mort par contumace pour une désertion à l’ennemi présumée.

L’un de ces cas concerne le soldat C.....(2) Auguste du 30e régiment d’infanterie. Le 26/10/1914, le lieutenant Duboin commandant la 7e compagnie adressa une plainte au colonel commandant le régiment. Le lieutenant demandait au colonel de faire traduire ce militaire devant un conseil de guerre pour capitulation avec l’ennemi (article 209 du code de justice militaire et provocation à la désertion (article 242 du dudit code).

Le 29 septembre 1914, cet homme se trouvant dans les tranchées face à Herbécourt, s’est déséquipé et rendu à l’ennemi sans lutter. Il est revenu quelques instants après devant les tranchées occupées par ses camarades tenant un pain sous le bras et les a invités à se rendre disant qu’en cas contraire, ils allaient tous être fusillés et ajoutant que l’on était bien mieux parmi les allemands.

Les témoins cités étaient : Odoyer caporal, Saint Pierre, Pomel et Blanc tous de la 7e Cie.

Le 30 octobre, le général Sorbets commandant la 28e division, ordonna qu’il soit informé contre ce soldat. Le même jour, le commissaire-rapporteur Bérard délivra un mandat d’amener pour arrêter ce militaire comme le prévoit la procédure. Agissant en vertu du mandat d’amener, le brigadier Dupuy, officier de police judiciaire militaire de la prévôté de la 28e division, assisté par le gendarme Delmas, ont effectué des recherches dans la zone concernée mais n’ont pas pu découvrir ce soldat.

Le 6 novembre, le capitaine Bérard auditionna les témoins.

-le soldat Saint Pierre Henri :

-le soldat Blanc Jean :

-le soldat Pomel Alfred :

-Le caporal Odoyer :

Vu l’ordre de mise en jugement donné le 12 novembre par le général Sorbets, le président du conseil de guerre a ordonné, comme le prévoit la procédure plus précisément l’article 175 du CdJM, au soldat Carrel (2) Auguste de se présenter sous les 10 jours, le conseil de guerre étant appelé à statuer pour le 25 novembre 1914.

Le casier judiciaire de ce soldat comporte quelques « accros » car le 28 avril 1905, il a été condamné par le conseil de guerre permanent de la 14e région militaire à un an de prison pour vol qualifié.

Le 25 novembre 1914, la sanction tombe :

Le soldat C.....(2) Auguste a été condamné à la peine de mort par contumace par l’application de l’article 205 du code de justice militaire.

Bien entendu, ce jugement a été affiché sur la porte du conseil de guerre mais également sur la porte de la mairie de Chevrier, domicile de ce soldat.

Le conflit est terminé mais la « machine » judiciaire n’oublie pas pour autant les contumaces.

Ce militaire incarcéré, l’instruction reprend, une des premières tâches du commissaire-rapporteur est de retrouver les témoins. La guerre est passée par là, entre les mutations des soldats suite à blessure et ceux qui sont morts sur le champ de bataille au cours des 4 années écoulées, ce n’est pas chose facile.

De son côté, l’avocat de ce militaire a eu accès à son dossier.

Sur cette 1ère partie, remarquons que pour cette procédure entamée en septembre 1914, le travail du commissaire-rapporteur est plutôt correct……pour un conseil de guerre aux Armées, signe d’un homme du sérail.

La 1ère démarche initiant le jugement contradictoire a été la reconnaissance d’identité du soldat C.....(2) Auguste en application de l’article 180 du code de justice militaire, chose faite le 1er mai 1919.

Des 4 témoins de l’époque, le commissaire-rapporteur, qui n’est plus celui de septembre 1914, n’a retrouvé que le soldat Pomel détaché en usine à Thonon les Bains. En effet, par exemple, le soldat Saint Pierre dont le témoignage était crucial, était Mort pour la France.

Le conseil de guerre de la 28e division, appelé à statuer le 1er mai 1919 sur ce dossier, a ordonné le renvoi de l’affaire à une date ultérieure et a chargé le commissaire rapporteur de recueillir de nouveaux témoignages.

A cet effet, le commissaire rapporteur a délivré plusieurs commissions rogatoires pour interroger 5 autres témoins. Ces commissions rogatoires, toutes identiques, comportaient 10 questions. Les auditions des témoins du jugement par contumace sont toujours consignées dans le dossier de procédure.

Audition du soldat Gaget par le commissaire de police de Bourgoin :

4e question : C.....(2) était-il de votre section ? Quelle a été son attitude pendant et avant l’attaque allemande ?

R- C.....(2) était de ma section, son attitude a toujours été excellente. Je l’ai peu vu mais pendant l’attaque allemande s’est très bien conduit.

5e question : Que s’est-il passé lors de votre capture par l’ennemi ?

R- lorsque les Allemands sont arrivés en grand nombre et qu’ils nous ont enlevé les armes, ils nous ont emmenés dans leurs lignes. Je suis allé moi-même chercher un soldat blessé dans les lignes allemandes. Une fois revenus, ils nous ont encadré baïonnette au canon et nous ont conduits à Flocourt où nous avons passé la nuit. Au moment où les allemands nous ont fait prisonniers, ils se sont précipités sur C.....(2), ils l’ont bousculé et l’ont conduit dans notre direction, le soldat Carrel (2) toujours encadré. A ce moment-là, C.....(2) a été joint à notre groupe et a été conduit avec nous dans l’église de Flocourt où nous avons passé la nuit. Comme je ne connaissais pas C.....(2) je ne lui ai pas demandé pourquoi les Allemands l’avaient emmené. Le lendemain, on nous a conduits dans un autre village dont j’ignore le nom.

6e question : le témoin dira s’il sait que les Allemands ont donné un ordre à C.....(2) ? Quelle était la teneur de cet ordre (paroles prononcées par les Allemands)

R- je n’ai rien entendu et je ne crois pas que C.....(2) ait été interrogé et reçu un ordre

7e question : l’ordre a-t-il été exécuté ? et quelle était son attitude ?

R- je n’ai rien entendu à l’adresse de C.....(2) et je ne l’ai pas vu exécuter un ordre

8e question : des Allemands ont-ils accompagné C.....(2) baïonnette au canon pour se rendre compte qu’il exécutait bien sa mission ? Jusqu’à quel endroit l’ont-ils accompagné ? Le témoin dira tout ce qu’il sait sur ce point et ce qu’il a vu

R- au moment où les allemands nous ont fait prisonniers, ils ont emmené C.....(2) baïonnette au canon. Je ne sais où ils l’ont conduit. Pour mon compte personnel, je suis allé relever un blessé et lorsque C.....(2) nous a rejoints, nous étions dans les lignes allemandes. Je ne puis donc savoir si C.....(2) était chargé d’une mission.

Les 2 dernières questions figurant sur la commission rogatoire concernent la vie dans le camp de prisonniers et n’apportent pas d’informations sur les évènements en cause.

Auditionné par le juge de paix du canton de Virieu, les réponses de l’ex soldat Sallamant Jean sont très similaires à celles de l’ancien soldat Gaget Constant. C’est également le cas des déclarations de l’ancien soldat Maret recueillies par le juge de paix de Frangy. Par contre, celles de l’ancien soldat Bertrand François, auditionné par le commissaire de police Pols apportent quelques informations intéressantes.


Les déclarations de l’ex soldat Albert, recueillies par le commissaire de police d’Asnières, sont également précieuses.

Remarquons que certaines de ces dépositions ne contredisent pas vraiment les faits tels qu’ils étaient rapportés dans les dépositions de soldats Saint Pierre et Pomel lors des auditions de septembre 1914. Mais les auditions des soldats Albert et Bertrand laisseraient à penser que C.....(2) était plus contraint que complice.

L’explication des divergences dans la présentation des évènements réside sans doute par le fait que les témoins du jugement par contumace appartenaient à la 3e section, celle devant laquelle C..... (2) s’est présenté pour faire ses déclarations alors que les nouveaux témoins du jugement contradictoire faisaient partie soit de la 1ère section (celle de C.....(2)) soit de la 2e section, toutes deux faites prisonnières. Les 2 groupes de témoins n’ont pas eu la même vision des évènements. On comprend l’importance d’un jugement contradictoire avec comme corollaire restrictif l’éventuelle disparition des témoins ou la mémoire « sélective » desdits témoins plusieurs années après les faits, c’est que nous avons constaté avec le fusillé Pierre Mestre dont le témoin direct des évènements, se trompait de 6 mois dans le déroulé des faits.

Toujours est-il que les juges du conseil de guerre ont tranché. Statuant à Sarrebourg le 06/06/1919, ils ont acquitté le soldat C..... (2) Auguste.

Au cours de la période suivant l’armistice, de très nombreux prisonniers rapatriés ont bénéficié d’une permission, puis la justice militaire les a incarcérés.

Parmi ces militaires rapatriés, certains profitant de cette très grande quantité de cas à traiter, ont été dans un 1er temps, acquittés. Puis grâce au témoignage d’autres prisonniers, une autre vérité s’est faite jour. C’est le cas du soldat P.....(2) Louis. Jugé contradictoirement le 16 décembre 1919 pour désertion à l’ennemi survenue aux Eparges en septembre 1915, ce militaire avait été acquitté par le conseil de guerre permanent de la 6e RM. Puis de nombreux prisonniers l’ont accusé formellement d’avoir servi d’indicateur aux Allemands dans les camps de Hamelburg et de Landau. Il aurait eu des relations cordiales avec le feldwebel Michel, lui aurait fait part des projets d’évasion de ses camarades ainsi que des petits trucs employés pour le ravitaillement des punis de prison (4). Le conseil de guerre permanent de la 4e RM l’a déclaré coupable d’intelligence avec l’ennemi, lui a accordé les circonstances atténuantes et l’a condamné à 20 ans de travaux forcés, six ans d’interdiction de séjour et à la dégradation militaire.

Parmi ces acquittés, nous trouvons plusieurs soldats, décédés en captivité, qui ont fait l’objet d’un jugement contradictoire en application de l’article 24 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921.

C’est, par exemple, le cas du soldat M.....(2) Désiré Alphonse. Condamné à mort par contumace le 15/11/1915 par le conseil de guerre de la 40e division pour désertion à l’ennemi.

Acquitté, ce militaire a été déclaré Mort pour la France. En l’occurrence M.....(2) Désiré Alphonse a fait l’objet d’un jugement déclaratif de décès du 14/11/1922 du tribunal d’Orléans officialisant ainsi sa disparition le 5 octobre 1915 à St Hilaire le Grand.

-20 militaires décédés et déclarés MPLF soit 3%

Il s’agit principalement de militaires décédés dans un camp d’internement allemand. Pour ces derniers cas, théoriquement, il n’y aura pas de jugement contradictoire ; d’une certaine manière, on ne saura pas si le militaire était coupable ou innocent. Ainsi, on trouve des militaires décédés dans un camp d’internement allemand, déclarés « MPLF » suite à une maladie contractée en service, qui étaient sous le coup d’un jugement contradictoire pour désertion à l’ennemi.

C’est le cas de ce militaire condamné à mort par contumace par le conseil de guerre de la 16e DIC le 07/04/1916.

Ce militaire était accusé d’avoir déserté à l’ennemi le 8 octobre 1915 à la cote 193, l’ordre d’informer avait été émis le 11 mars 1916.

Pour cette catégorie, on peut s’interroger sur l’attribution de la mention MPLF ».

En effet, comme on peut le voir ci-dessus, l’article 5 de la loi du 3 janvier 1925 visant à une amnistie pleine et entière pour les faits commis antérieurement au 12/11/1924, excluait des dispositions de la loi les déserteurs à l’ennemi, les cas d’intelligence avec l’ennemi, de trahison. Les services du Ministère des pensions qui ont attribué cette mention étaient-ils au courant des soupçons, de désertion à l’ennemi ou d’intelligence avec l’ennemi pour l’un d’entre-eux, qui pesaient sur ces militaires ?

Néanmoins, il existe un cas où l’attribution de la mention MPLF est justifiée. Il s’agit d’un militaire, soupçonné à tort de désertion à l’ennemi, qui a fait l’objet d’un jugement déclaratif de décès pour officialiser son décès sur le champ de bataille. C'est le cas du soldat Mercey Théophile condamné à mort par contumace le 30/10/1916 par le conseil de guerre de la 27e division. Disparu le 08/08/1916 au bois Fumin près de Verdun, le jugement par contumace de ce soldat a été annulé le 24/03/1921 par le conseil de guerre de Grenoble.

C’est pour cette raison qu’il est important de retrouver les jugements contradictoires, ces militaires sont susceptibles de changer de catégorie en fonction de la découverte d’un jugement, résultant de l’application de l’article 24 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921, prononçant l’acquittement par exemple.

-8 militaires condamnés sont des cas divers soit 1,2%

Dans cette catégorie, nous avons regroupé un militaire dont le jugement contradictoire a été cassé sans renvoi (aliénation mentale), 2 militaires qui se sont suicidés avant leurs jugements contradictoires, un militaire décédé en janvier 1919 à Villeurbanne sans avoir été rejugé qui a été déclaré MPLF, un militaire hospitalisé en Suisse et deux soldats rapatriés d’Allemagne puis internés en asile.

6- Conclusion :

     Tout d’abord, nous le redisons, le nombre réel de condamnés à mort par contumace est sans nul doute plus élevé pour la simple raison que parmi les divisions d’infanterie dont les archives judiciaires ont disparu, il est certain que des contumaces étaient mentionnées. Moins médiatisés que les fusillés, ils seront toujours plus difficiles à identifier quand les archives judiciaires sont manquantes. Il existe également une autre raison, que nous avons évoquée précédemment, pour justifier nos craintes sur ce déficit des cas connus. Il s’agit des militaires n’ayant pas fait l’objet d’un jugement pas contumace mais d’une simple fiche de renseignements ou d’un état nominatif de déserteur.

Pour pallier ces manques, notre recherche nous a conduit à une prospection importante non seulement des archives militaires mais également de la presse ancienne qu’elle soit nationale ou régionale, cette dernière étant souvent fort documentée. Bien entendu, ces informations, qu’elles émanent de ces sources ou des fiches de matricule, ont été « croisées », ces dernières présentant souvent d’importantes lacunes rédactionnelles dans le parcours de ces militaires.

Prisme s’est donc astreint à rechercher tous ces jugements contradictoires ce qui permettrait de connaître plus finement la proportion des fusillés, des acquittés, des peines à temps et perpétuelles.

Une des difficultés pour étudier ce sujet réside dans la répartition d’une partie des jugements contradictoires au SHD et l’autre au DACJM du Blanc et encore quand les sources existent. Même au sein du seul SHD, ils sont parfois regroupés avec les jugements par contumace, parfois seuls quand la division a été tardivement dissoute, parfois on ne trouve qu’une mention sur les minutiers, parfois une simple feuille indique que le dossier est manquant, parfois il n’y a rien.

Une minorité de ces jugements par contumace n’a pas été retrouvée, soit que ce jugement n’a jamais eu lieu, soit que le jugement a été renvoyé à plus ample informé (avant faire droit de plus ample informer) comme le prévoit l’article 129 du code de justice militaire ou qu’il soit « renvoyé à la fin des hostilités » c’est le cas pour le lieutenant B......(2) Alfred Armand condamné contradictoirement à mort le 06/06/1919. Le Président de la République a commué par décret du 14/10/1919 la peine de mort en 15 ans de prison. Malgré tout, les états nominatifs des militaires ayant fait l’objet ou susceptibles de faire l’objet de poursuites par contumace et les feuilles de renseignements des déserteurs évoqués précédemment semblent en mesure de compenser ces manques.

Que retenir de cette fastidieuse recherche des jugements contradictoires ?

Notre objectif était de savoir quel avait été le destin, au sortir de la guerre, de tous ces condamnés à mort par contumace.

Nous avons constaté que la grande majorité des jugements contradictoires ont eu lieu au cours des années 1919 à 1921.

A ce jour, sur les 756 condamnés à mort par contumace ou assimilés, repérés dans les archives, 657 jugements contradictoires ont été retrouvés soit 86,9%. Certains jugements seront très difficiles à identifier en particulier les non-européens d’Afrique du Nord.

La 1ère constatation de Prisme concerne le nombre des fusillés, il est très faible. Trois militaires ont été passés par les armes dont un pour un motif relevant plus du droit commun que du crime militaire. Les voies de fait sur le sous-officier auraient pu se solder par le décès de la victime si les coups de feu avaient touché une zone vitale. Prisme a toujours comptabilisé comme des crimes de sang, les voies de fait qui se sont conclues par un homicide. Le jugement contradictoire du 2ème militaire a eu lieu en février 1915, au cours de la 1ère partie de l’exceptionnalité du recours en grâce qui est la période la plus dure, judiciairement parlant.

Parmi ces jugements contradictoires, Prisme a relevé 77 condamnations à mort qui ont fait l’objet de 45 grâces de la part du Président de la République soit dans 63% du panel, toujours suivant le même schéma déjà décrit par Prisme (mettre le lien autre article). A savoir, la direction du contentieux du Ministère de la Guerre émet un avis qui est presque systématiquement suivi par la direction des grâces et des affaires criminelles du Ministère de la Justice, le Garde des Sceaux adhère à cet avis et le Président de la République paraphe le décret de commutation de peine.

Remarquons que les peines prononcées à partir de 10 ans de prison ou assimilé, constitue 23 % des jugements contradictoires connus.

Notre 2e constatation concerne les peines les plus lourdes de « l’arsenal » judiciaire militaire, comme les travaux forcés à perpétuité. Dans une large majorité des cas, elles ont été abondamment et massivement réduites par le biais des remises de peine. Bien entendu, les peines moins sévères ont suivi le même schéma de réduction importante des peines comme nous l’avons précisé précédemment.

Ces mesures se sont cumulées avec les différentes lois d’amnistie qui ont, pour la grande majorité de ces condamnés, énormément réduit voire presque annulée la durée des peines dans certains cas.

Prisme n’a pas trouvé les arrêts de tous les jugements contradictoires connus mais pour la part que nous possédons, l’acquittement est de mise dans 44% des cas.

Concernant ces acquittés, la question centrale qui vient à l’esprit, est la suivante : ont-ils été accusés à tort comme le redoutait le Major Général Pellé quand il rappela en octobre 1916 afin que la procédure par contumace soit engagée, il convient que des présomptions sérieuses de culpabilité pèsent sur le militaire soupçonné ou les juges de ces procès contradictoires ont-ils été « moins tatillons » et plus à l’écoute du pouvoir politique au cours d’une période où les lois d’amnistie se sont succédées ?

Il faut mentionner que concernant les jugements contradictoires non retrouvés à ce jour, sur bon nombre de fiches de matricules correspondantes, certes souvent fort mal rédigées, ne mentionnent pas l’indication « exclu colonial » par exemple ce qui tendrait à dire que les militaires en question n’ont pas fait l’objet d’une peine infamante ou afflictive ce qui n’exclut pas pour autant des condamnations à des peines plus légères. Afin d’affiner ses statistiques, Prisme continuera à rechercher les jugements contradictoires manquants car nous ne pouvons-nous contenter de ces non-écrits sur ces fiches de matricule pour nous prononcer.

Pour Prisme qui étudie les condamnés à mort/fusillés depuis de nombreuses années, il est évident que les fusillés ne sont pas constitués en un groupe homogène. Le passé civil et / ou militaire de ces condamnés à mort/fusillés est là pour le démontrer.

Comme le soulignait le général André Bach : la réclamation pour la réhabilitation des fusillés est une démarche légitime, mais elle ne peut être collective. Au-delà de ces condamnés à mort, il en existe d’autres dont on a de la peine à soutenir l’idée d’une réhabilitation, pour condamnation abusive. La lecture des pièces de leurs dossiers sur Mémoire des Hommes est édifiante. Mais c’est cette constatation qui fait que l’on doit dire haut et fort que parmi eux, certains ont perdu la vie dans des conditions effroyables, infamantes alors que les modalités de leurs jugements, à lire leurs dossiers, nous interpellent. On ne peut ni réhabiliter collectivement des hommes aux destins si différents, en particulier par rapport à l’état de droit, ni proclamer qu’il suffit de les mentionner globalement pour décréter qu’ils ont rejoint la mémoire nationale. C’est faire preuve de désinvolture face à une exigence de justice.

Prisme estime qu’il faut dégager les dossiers de ceux qui, manifestement n’ont pas mérité le sort qui leur a été fait. Ce travail doit être fait minutieusement, sans effet de manche, sans a priori idéologique, pour sortir de l’opprobre ces hommes et leurs descendants, car, pour ceux-là, justice doit être rendue.

Depuis plusieurs années, les « lois mémorielles » s’accumulent. Le rapport Accoyer de 2008 rappelait pourtant que "la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative". Assurément, ces critères ne sont pas présents dans plusieurs de ces lois mémorielles comme celles de 2011 sur le génocide arménien et de 2001 sur la traite transatlantique, qui sont des lois dites « déclaratives » et qui devraient être des résolutions comme le recommandait le rapport Accoyer. Ces principes ont d’ailleurs été rappelés, le 28/02/2012(5), par le Conseil Constitutionnel, qui a « retoqué » la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien. On est là devant un paradoxe mais cela renvoie à une autre discussion. Sur ces questions mémorielles, histoire, justice et politique (le législateur) s’entrecroisent semant parfois confusion et désordre. Prenons garde de ne pas juger le passé avec nos regards actuels, et interrogeons-nous sur cette question posée le 03/02/2022 par l’historien Marc Olivier Baruch lors d’un colloque en ligne depuis la Cour de Cassation : à quoi servent les lois mémorielles ? à laquelle il répond : elles ne servent à rien [....], ce sont des constructions politiques, polémiques. Notons bien que cet historien distinguait nettement la loi dite « Gayssot » des autres lois mémorielles.

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1- LACROIX Annick, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris Nanterre, Initiation aux études historiques, Editions Nouveau Monde, 2022, 456 p.

2- Prisme a volontairement masqué le nom des militaires condamnés dont le patronyme n’est pas tombé dans le domaine public ou médiatique 

3- BARUCH Marc Olivier, Des lois indignes ? Editions Tallandier , 2013, 352 p.

4- Le Petit Courrier - 29 juillet 1920

5- Journal officiel du 02/03/2012

Pour André



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